Il fut un temps où on désignait notre pays par «Tounes El Khadhra» (La Tunisie verte). Le sol de la Tunisie vert, pas ses champs de blé, mais par ses oliviers, ses arbres fruitiers, ses prairies et maquis, ses forêts de chêne-liège, ses oasis et ses palmiers-dattiers, est aujourd’hui irrigué du sang de ses enfants. Jeunes martyrs dont le seul tort est d’être au front pour défendre leur patrie et de porter la tenue verte, celle des soldats et des forces sécuritaires.
La couleur de la terre est devenue aussi rouge sang que celle du drapeau national trahi par ceux censés le servir. Les enfants de la Tunisie, victimes du terrorisme, ont été sacrifiés au faux consensus et aux intérêts d’une grande partie d’une classe politique pourrie jusqu’à la moelle, limitée, incapable de diriger, handicapée par l’absence du sens de l’Etat et dénuée de tout sens patriotique !
Désormais la terre riche de notre pays sera teintée du sang de ses enfants, trahis par d’autres qui sont aussi ses enfants mais qui ne la reconnaissent plus et dans lesquels elle ne se reconnaît plus.
Achraf Cherni, 27 ans, Hamza Dalleli, 28 ans, Hatem Mlat, 28 ans, Anis Ouerghi, 25 ans, Houssem Khalifa, 27 ans et El Arbi Guizani, 28 ans ont arrosé de leur sang la terre sacrée de la Tunisie. Ils rejoignent près d’une centaine d’autres martyrs que la mort a cueilli depuis plus de 6 ans, victimes de meurtres et d’attentats terroristes et que la terre garde en son sein.
Une nouvelle tradition instaurée en Tunisie depuis 2011, année où le pays fut pris en otage par ceux qui se prétendaient opprimés et qui, en réalité, ont dans leur grande majorité perpétré des actes terroristes. Ceux dans les veines desquelles coule le sang de la traîtrise, de la barbarie et de la cruauté. Ceux qui ont fait croire à leurs enfants et aux enfants de la Tunisie qu’ils sont des proies et que leur mère patrie les renie. Les enfants de la Tunisie détruisent «Al Khadhra», celle qui leur a dispensé éducation et auxquels elle a offert un héritage civilisationnel et culturel figurant parmi les plus riches de l’histoire de l’humanité. Ils veulent aujourd’hui la renvoyer dans les méandres de l’obscurantisme parce que la ligue où la secte des Frères musulmans veut installer son califat et faire de la Tunisie une base arrière pour des intérêts funestes et à cause de la voracité des grands de ce monde : la conquête du gaz et du pétrole algérien et libyen.
Ils ont de puissants alliés, à commencer par la Grande-Bretagne, leur patrie mère effective et finir par le Qatar en passant par Erdogan et sa Turquie dont les desseins impérialistes et hégémonistes ne sont un secret pour personne.
La Tunisie est martyrisée parce que son économie florissante auparavant et ses industries qui commençaient à s’imposer dans la région et à l’international souffrent aujourd’hui d’un repli jamais vécu. Et parce que d’une société productrice et innovatrice, la secte islamiste l’a transformée en une société de consommation comparable à celle des pays du Golfe et envahie par les franchises qui travaillent pour le compte des autres.
La Tunisie est martyre parce que ses enfants préfèrent la mort en haute mer, dans les champs de guerre et les maquis plutôt que de la servir, de s’y projeter et de produire. La Tunisie est martyre parce que ses soldats sont tués par leurs frères et non pas des forces ennemies.
La Tunisie est martyre parce que la logique du consensus et du troc affaires et milliards contre terrorisme et terreur l’a emporté sur l’amour de la terre.
La Tunisie est martyre parce que la mafia des partis a remplacé en pire les mafias des Trabelsi, et des centaines de clans en ont remplacé une dizaine.
La Tunisie est martyre parce que le peuple est l’otage d’un parti qui le menace par ses armes et ses kamikazes et parce que l’administration et l’économie sont l’otage d’un ogre appelé corruption à chaque pas et à chaque fois.
La Tunisie est martyre parce que le viol de sa souveraineté est devenu le sport collectif des chancelleries étrangères dont les complices pullulent aussi bien dans les hauts centres de décisions que dans les administrations et chez nombre de députés qui défendent plus les intérêts des puissances étrangères que ceux de leurs électeurs.
La Tunisie est martyre parce que l’argent achète aujourd’hui tous et toutes et la peur fait plier l’échine de ceux qui ne veulent pas se vendre, par peur pour leurs vies, leurs familles, leurs statuts, leurs intérêts et pour préserver leur honneur des anges de la mort.
Alors, qu’on ne vienne pas nous parler aujourd’hui de consensus ! Et si un parti au pouvoir possède plus d’armes que l’Etat, autant traiter avec lui comme le Liban a traité avec le Hezbollah dans la clarté et la transparence. Qu’il sorte ses armes et qu’il fasse son défilé militaire au vu et su de tous les Tunisiens.
Au moins que le peuple sache et découvre la réalité des gens et des chefs de guerre qui mènent son pays par le bout des doigts, des menaces et des armes !
Et que tous ces pays occidentaux qui soutiennent les fanatiques, les extrémistes et les barbares islamistes se souviennent que la Tunisie est le pays le plus au nord du continent africain séparé de l’Europe par seulement 140 kilomètres au niveau du canal de Sicile.
Nous ne le rappellerons jamais assez, et enfin un poème tiré d’une pièce théâtrale française en hommage à nos martyrs:
«Quand j’ai envie de briser mes chaînes, de déchirer mes habits de soldat
Sous les vents froids, d’une morne plaine
Combien de nous sont morts déjà, quand tous nos chants ne sont que prières
Et que nos jeux sont des combats, quand de nos vies on sème la terre
Qui sait ce qu’il y poussera, je n’écris pas une lettre d’amour
Je n’écris pas mes mots sur du velours, c’est du sang des soldats
L’encre que tu liras, je n’écris pas combien je t’aime encore
Et tous mes pleurs la nuit, quand je m’endors
C’est des larmes de moi, l’encre que tu liras
Quand j’ai envie de tout foutre en l’air, de me sauver pour courir vers toi
Je me souviens du cri de mes frères, combien d’entre eux sont morts déjà
Ce soir, j’essaie une autre prière, pas à genoux mais couché par terre
Je ne sais pas pourquoi j’ai tellement froid, j’ai une tache sur ma chemise je crois».
Amel Belhadj Ali