La multinationale japonaise va créer en Tunisie, avec l’ancien conseiller du président Marzouki et ex-secrétaire d’Etat aux affaires étrangères dans le gouvernement de la Troïka, Hédi Ben Abbes, un hub destiné à servir de plateforme pour l’exportation de ses équipements de laboratoire en Afrique subsaharienne.
WMC: Après avoir quitté le gouvernement en 2013, vous avez entamé un parcours d’entrepreneur. Comment les quatre sociétés que vous aviez créées alors se portent-elles aujourd’hui ?
Hédi Ben Abbes : Avec la dernière, nous comptons aujourd’hui cinq sociétés. Ce sont de toutes petites structures, commerciale et de formation principalement.
Ce projet repose effectivement sur deux piliers : le commercial et la formation. Nous le développons avec une entreprise multinationale japonaise qui s’appelle Sysmex. Elle fournit des équipements de laboratoire d’analyses, du sang principalement.
Depuis le lancement de cette activité en Tunisie, notre rêve était de l’élargir à l’ensemble du Maghreb et, rêve fou, à l’Afrique francophone. En utilisant tous les atouts de la Tunisie. A savoir : une situation géographique extrêmement favorable, et surtout des ressources humaines assez compétentes dans le domaine de la santé en général et en biologie en particulier. Nous avons une avance scientifique qui nous est reconnue par toutes les instances internationales.
Nos amis japonais ont dit que s’il faut qu’on installe un hub régional, il doit l’être en Tunisie ou au Maroc.
Comment la Tunisie a-t-elle été choisie ?
Je peux vous avouer que le Maroc nous devançait, non pas pour des raisons scientifiques -dans ce domaine nous sommes leaders en Afrique, bien que nous soyons toujours en compétition avec l’Afrique du Sud en matière de santé-, mais pour d’autres considérations relevant de l’environnement des affaires, comme la stabilité, les infrastructures et d’autres éléments qui ne plaident pas aujourd’hui en faveur de la Tunisie.
Ce fut une véritable bataille. Elle s’est déroulée fin 2013 et la Tunisie a fini par remporter. La décision a été prise début 2014. Nous avons entamé le travail immédiatement avec la création de deux structures. Une pour la formation et l’autre pour la commercialisation.
Depuis mars 2016, nous formons des ingénieurs de quatre pays du Maghreb en biologie. Tous les distributeurs de Sysmex et leurs personnels pour le Maghreb sont formés aujourd’hui en Tunisie. En deux ans, nous avons délivré des centaines de formation et plusieurs dizaines de certificats. Et la chose dont nous sommes fiers –et je ne parle pas de ma personne, mais de l’équipe sans laquelle je ne suis rien- c’est qu’à peine deux ans, nous avons déjà quatre formateurs tunisiens.
Auparavant, nous formions nos ingénieurs soit en France, soit en Allemagne, parce que ce pays est le hub régional pour l’Europe et l’Afrique. Une partie de cette activité a été transférée en Tunisie. Et pour que ce transfert de savoir-faire ait lieu, il fallait commencer à former des Tunisiens pour qu’eux-mêmes deviennent des formateurs.
Plus, depuis un mois nous avons commencé à former des ingénieurs français, parce que nous avons ici en Tunisie les capacités humaines d’acquérir un savoir-faire et de le transmettre ensuite. Et j’en suis réellement fier.
Je suis confiant par rapport à nos autorités tunisiennes pour que ce projet puisse prendre l’ampleur qu’il mérite.
Aujourd’hui, on se heurte à une réglementation tunisienne qui, en dépit de ce qu’on raconte, n’est pas aussi ouverte qu’on le croit.
Quels problèmes cette réglementation vous pose-t-elle ?
Par exemple, le fait qu’une entreprise étrangère ne peut, dans certains secteurs, s’installer en Tunisie qu’en ayant un associé tunisien et ne peut pas détenir plus de 49% du capital, est une absurdité incroyable. C’est un frein incroyable à l’investissement et donc à la création d’emplois et à la création de la valeur. Il faut absolument qu’on sorte de cette logique faite pour protéger.
Je veux bien comprendre qu’on veuille protéger des secteurs concurrentiels. Mais quand il s’agit d’un domaine où nous n’avons aucune production, aucun savoir-faire, où il n’y a absolument aucun risque sur les emplois tunisiens, bien au contraire on va créer de l’emploi, je trouve cette restriction préjudiciable à l’économie en particulier et aux Tunisiens en général.
Quand le hub sera-t-il mis en place ?
Selon notre business plan, il doit l’être début 2019. Il n’y a plus de conditionnel, à moins que la Tunisie refuse, ce qui ne serait absolument pas logique, je suis confiant par rapport à cela. D’ailleurs, il nous reste à peine six mois pour mettre en place l’ensemble des composantes du projet.
Dans un premier temps, nous allons créer une structure provisoire pour pouvoir démarrer l’activité, en Tunisie et à l’étranger. Et à terme, et pour nous le terme est court –c’est en 2022-, nous aurons une véritable plateforme logistique régionale, assortie d’une unité de production.
Production de quoi ?
Pas de robots, parce que c’est trop complexe pour moi et c’est le monopole du Japon, et on les comprend. On va produire des solutions de lavage, simples à produire mais qui demandent une grosse logistique pour desservir les pays de la région. La distribution est déjà faite en Tunisie. Elle sera étendue par la suite à la région.
Propos recueillis par Moncef Mahroug