Pour certains, le président de la république n’assume aucune responsabilité dans les maux dont souffre le pays et reste l’arbitre au-dessus de la mêlée, capable de le sortir de la situation difficile dans laquelle il se trouve. Pour d’autres, au contraire, il est responsable de la dégradation de la situation de la Tunisie, puisqu’il serait, selon eux, le seul et vrai maître à bord.
Lorsque Béji Caïd Essebsi a prêté serment le 31 décembre 2014 comme président de la république tunisienne, la plupart de ceux qui lui ont donné leurs voix voyaient l’avenir du pays en rose. Ils pensaient que le premier président démocratiquement élu de l’histoire de la Tunisie allait tenir ses promesses de tout faire pour que le pays se porte à l’avenir beaucoup mieux qu’au moment où il en a pris les commandes. Hélas, s’il n’a pas encore –du moins pas totalement, viré au cauchemar-, ce rêve est loin de s’être concrétisé. Aujourd’hui, la Tunisie se porte beaucoup plus mal qu’il y a trois ans et demi.
Bien sûr, le président de la République, son entourage et ses partisans imputent cela à la nature du régime politique et aux deux gouvernements qui se sont succédé depuis 2015. Pendant les deux premières années, cette lecture a été grosso modo acceptée, sinon par la majorité des Tunisiens, du moins par bon nombre d’entre eux.
Depuis, les choses ont changé. Les gens ont petit-à-petit réalisé que le régime politique n’est plus, de fait, aussi semi-parlementaire que cela –pour certains il ne l’est plus du tout, du fait de la présidentialisation rampante et discrète menée par BCE-, et que le gouvernement –ni l’actuel, ni le précédent- n’est pas si libre de ses mouvements. Au point que nombreux sont ceux qui voient en Habib Essid et Youssef Chahed plus des Premiers ministres que des chefs de gouvernement.
Résultat, les Tunisiens sont aujourd’hui divisés au sujet du président Béji Caïd Essebsi. Pour certains, il n’assume aucune responsabilité dans les maux dont souffre le pays et reste l’arbitre au-dessus de la mêlée, capable de le sortir de la situation difficile dans laquelle il se trouve. Pour d’autres, au contraire, il est responsable de la dégradation de la situation de la Tunisie, puisqu’il serait, selon eux, le seul et vrai maître à bord.
De cette controverse, le quotidien en langue arabe «Achourouk» nous a livré un échantillon, jeudi 12 juillet 2018. Ces deux thèses se sont affrontées ce jour-là à travers un commentaire de Abdeljelil Messaoudi, et une interview de Fayçal Tebini, député à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Le premier, conseiller de la rédaction du quotidien, constate qu’«une fois de plus, le président Béji Caïd Essebsi endosse l’habit du sauveur pour sortir le pays de la dangereuse impasse dans laquelle il se trouve depuis près d’une année». Il souligne que «la valeur et l’importance du rôle que joue le président Béji Caïd Essebsi résident dans le fait qu’il s’abstient de jouer ce rôle officiellement, c’est-à-dire en s’en tenant à une stricte neutralité (…) ; ce qui n’est pas facile étant donné qu’il n’est pas sans lien avec les parties adverses et que l’un d’entre eux porte son nom»
Le second, Fayçal Tebini, n’est pas de cet avis. Dans l’interview accordée au quotidien, il fait porter «la responsabilité au président Béji Caïd Essebsi pour tout ce qui se passe en Tunisie. Il est responsable de la présence de Youssef Chahed à la tête du gouvernement, et de celle de son fils à la tête de Nidaa Tounes. Youssef Chahed et Hafedh Caïd Essebsi, qui sont la cause de l’impasse dans laquelle la Tunisie se trouve aujourd’hui (…). Je fais porter la responsabilité à Béji Caïd Essebsi (…) parce que c’est lui qui nomme les ministres, c’est lui qui a porté Habib Essid à la tête du gouvernement et c’est lui qui l’a limogé».
Les Tunisiens divisés au sujet du président Béji Caïd Essebsi ? Oui, mais inégalement. Car ceux partageant le point de vue de M. Tebini semblent plus nombreux. Et, surtout, plus proches de la vérité.