Le plus grand succès de la révolution tunisienne est l’initiation de la société civile, finalement capable de compléter et partager les ressources et expertise avec son gouvernement. Avec le défi socioéconomique croissant, le gouvernement se trouve en manque d’outils nécessaires et de rapidité d’exécution pour la détermination de solutions et de changements administratifs indispensables pour les villes dynamiques d’aujourd’hui.
L’une des solutions les plus nécessaires dans la partie urbaine historique de Tunis, appelée la Médina, est une stratégie de réaffectation et une gestion plus efficace pour plus de 70 bâtiments historiques appartenant à l’État dans la Médina, dont la plupart sont fermés et sont en besoin imminent de restauration et réutilisation.
L’accumulation de monuments historiques de la ville de Tunis est une importante opportunité, actuellement sous-estimée, pour améliorer la dynamique socioculturelle et la régénération des quartiers urbains historiques.
Un projet modeste a été initié en 2015, suite au 80ème anniversaire de la Rachidia ; une association initiée en 1934 pour la préservation de la musique traditionnelle tunisienne, où la société civile et des entrepreneurs sociaux se sont unis pour hausser la Rachidia et sa présence dans la Médina.
Le projet a pris plus de 2 ans, au profit de la légendaire Rachidia qui a réuni de jeunes associations (Aswar el Medina, Carthagène, Collectif Créatif, ENAUVATEUR & ARC), entreprises sociales qui dirigent et gèrent le projet “Blue Fish“ et des institutions (INP, Ennajma Ezzahra, Bibliothèque nationale et ASM Tunis).
Les objectifs du projet étaient de digitaliser les documents importants de la Rachidia et des archives enregistrées, et de créer la première bibliothèque digitale pour la musique traditionnelle tunisienne. Suite à de multiples réunions visant a harmoniser la vision du projet entre les différents partenaires, une campagne de financement participatif a été lancée, où 38 généreux contributeurs, tous Tunisiens vivants à l’étranger, ont fournis des dons pour l’initiation de la bibliothèque digitale de la Rachidia.
Plus tard, 2 dons supplémentaires ont été reçus, le premier de l’association Le Pont Genève -une association de Tunisiens vivants en Suisse-, et une généreuse contribution émanant d’expats vivant en Tunisie.
L’utilisation initiale des fonds était dédiée a une mission importante de tri de près d’une tonne de papiers d’archives constitués d’un mélange de contrats d’artistes, enregistrements d’étudiants, manuscrits de musique et de factures téléphoniques ; tous emmêlés à Dar Lasram II depuis les années 1920.
Des architectes et étudiants-architectes ont généreusement donné leur temps afin de recommander le besoin de restauration du bâtiment avec l’importante collaboration de l’INP (Institut nationale du patrimoine).
La collaboration avec l’INP a duré tout au long de la mise en œuvre du projet, étant donné qu’il y avait un accord verbal sur la restauration des bâtiments publics, utilisant la main-d’œuvre de l’INP et les fonds provenant des financements particuliers pour l’achat des matières premières et provisions nécessaires pour la restauration.
Cette collaboration était cruciale pour la maximisation du rendement de l’argent provenant des financements particuliers, car d’importantes économies ont été réalisées sur les coûts de la main-d’œuvre.
Une fois les archives triées, la collaboration avec Ennajma Ezzahra a permis la digitalisation de toutes les archives auditives dont certains sont des performances musicales de plus d’un centenaire. Quant à la collaboration avec la Bibliothèque nationale, elle a permis le partage des archives digitalisées et la maintenance des manuscrits historiques des livres d’éducation musicale.
Grace aux représentants du secteur privé, Astral (fournisseur de peinture) pour les dons de peinture pour le projet et Ooredoo (opérateur téléphonique) pour le don de 10 ordinateurs, qui ont aidé avec les dernières touches du projet.
Aujourd’hui, le projet est achevé, un bâtiment gouvernemental historique a été sauvé, les archives centenaires tunisiennes de la Rachidia ont été digitalisées et publiées en ligne, un nouvel endroit tant nécessaire pour la ville de Tunis, qui était fermé pour un demi-siècle, est actuellement une bibliothèque digitale et un espace de prestation ouvert pour les jeunes afin qu’ils puissent s’exprimer, découvrir leur héritage musical, interagir avec les professionnels et accroître l’importante dynamique socioculturelle tant nécessaire à la Médina.
Le projet a prouvé qu’un modèle d’affaire social des entreprises peut être une solution managériale plus efficace et inclusive pour les bâtiments historiques publics, permettant un équilibre entre la préservation des bâtiments et la dynamique économique et culturelle au sein de sa communauté urbaine d’une manière indépendante du financement gouvernemental ; sensible aux besoins de préservations du patrimoine tout en assurant la propriété public.
Oui, en Tunisie la loi de partenariat privé-public a été signée et publiée en 2015. Mais elle est très difficile à implémenter, car elle offre un cadre très général et rien de spécifique qui puisse être utilisé par le privé ou le public.
La gestion et la réutilisation des ressources en bâtiments historiques de la ville peut être une parfaite histoire de partenariat entre les secteurs privé et public, essentiellement si c’est géré en tant qu’entreprise sociale.
Néanmoins, même en l’absence d’un cadre de travail gouvernemental clair permettant la durabilité des réalisations ci-dessus, le partenariat public-privé nécessite de croire en l’importance de partager le savoir-faire entre les secteurs privé et public pour un développement plus durable, de même que le besoin d’honnêtes intentions pour une unité permettant la construction de villes harmonieuses, qui apportent l’espoir à nos jeunes et les aider à créer et saisir des opportunités dans leurs communautés.
Leila Ben-Gacem