“Le développement de la diplomatie économique tunisienne requiert la mise en place d’une stratégie nationale et une volonté politique fixant les objectifs et les étapes, outre la mobilisation des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre”.
C’est ce que pense le patron des patrons tunisiens (UTICA), Samir Majoul, qui intervenait lors d’une Journée économique organisée par le CEPEX et le ministère des Affaires étrangères (MAE), lundi 30 juillet, à l’occasion du rendez-vous annuel des chefs des missions diplomatiques et consulaires tunisiennes à l’étranger.
Une cellule d’écoute et d’accompagnement au sein du MAE
Majoul a affirmé la disposition de l’organisation patronale à contribuer à l’élaboration d’une vision commune entre autorités publiques et secteur privé, à même de favoriser une diplomatie économique au service des opérateurs tunisiens à l’étranger.
Le président du patronat a également proposé “la création au sein du MAE d’une cellule d’écoute et d’accompagnement afin de mieux cerner les besoins des entreprises tunisiennes”.
Meilleure communication…
Il plaide aussi pour l’adoption d’une politique communicationnelle reposant sur l’explication de ce qui se passe dans le pays aux partenaires étrangers dans l’objectif de les rassurer et d’attirer les investissements, la facilitation des procédures douanières et administratives relatives aux commerce extérieur, la conception de stratégies régionales visant le renforcement des exportations et l’encouragement de l’internationalisation des entreprises.
Par ailleurs, Majoul appelle à réviser les accords commerciaux défavorables à la Tunisie, en l’occurrence ceux signés avec des pays pratiquant le dumping ou les accords à sens unique, à l’instar de celui signé avec l’Algérie.
Il estime nécessaire de travailler à relancer l’intégration maghrébine et à concevoir les bonnes stratégies pour contribuer à la construction libyenne au lieu de se contenter de subir la situation régnant dans ce pays voisin.
Majoul a aussi souligné la nécessité d’élaborer un plan d’action pour développer les partenariats avec les pays africains et de bien préparer le Sommet de la francophonie qu’abritera la Tunisie en 2020 en lui donnant un aspect économique.
A noter qu’une convention sera signée, cet après-midi, entre l’UTICA et le MAE, visant à favoriser la concertation en matière de diplomatie économique et de soutien aux entreprises tunisiennes.
L’Afrique est une opportunité de services et non de biens
Interrogé par l’agence TAP sur les pistes à explorer pour développer la diplomatie économique tunisienne, le PDG du groupe COMETE, Radhi Meddeb, a souligné qu’”aujourd’hui la politique et la diplomatie, partout dans le monde, ne tournent qu’autour d’un seul thème, l’économie et la géopolitique au service de l’économie, mais nous ne sommes encore pas dans cette approche en Tunisie. Il y a des tentatives à saluer mais qui doivent être développées”.
“Qui dit diplomatie économique dit nécessairement une stratégie au service de laquelle la diplomatie doit se mettre, mais à examiner le positionnement géopolitique actuel de la Tunisie, on ne peut que soulever des interrogations sur la vision que nous comptons mener à cet égard. Voulons-nous continuer à renforcer notre amarrage à l’Europe? Comptons-nous approfondir notre relation avec l’Afrique? Sommes-nous dans une logique de renforcement de nos relations avec les pays du Golfe?”, s’interroge-t-il
“Aujourd’hui la Tunisie réalise 80% de ses exportations sur l’Europe et 80% de ces 80% sont orientés vers trois pays seulement (la France, l’Allemagne et l’Italie). Certains auraient tendance à penser que l’Afrique pourrait être l’alternative à notre commerce avec l’Europe ; mais c’est faux parce que le PIB des pays africains réunis, y compris les géants africains, équivaut à 80% du PIB français. L’Afrique est certes un contient en émergence, mais un continent où la profondeur économique fait encore défaut et notre diplomatie économique doit prendre en considération cet état de fait”, a-t-il encore expliqué.
Meddeb a aussi attiré l’attention sur le fait que “la Tunisie ne pourrait pas vendre en Afrique ce qu’elle vend déjà ailleurs. L’Afrique n’est pas demandeuse de nos faisceaux de câble, ni de notre textile et encore moins de nos excédents alimentaires. Une bonne approche du marché africain devrait reposer sur l’identification des besoins de ce continent et l’adaptation de notre production à ses spécificités et exigences. L’Afrique est une opportunité plus en matière de services qu’en matière de biens”.
Toujours selon lui, “la diplomatie économique visant le marché africain devrait reposer sur la levée de tous les obstacles qui entravent cette orientation. Ce que demandent nos acteurs économiques, qui n’ont d’ailleurs pas attendu que les autorités publiques leur balisent le terrain pour aller en Afrique, ce n’est pas de l’aide ou de la subvention, mais que des conventions de non-double imposition soient mises en place avec tous les pays africains et appliquées. Un effort devrait également être consenti pour le renforcement de la logistique, du transport aérien et maritime”.
L’Europe comptera encore dans nos exportations…
Par ailleurs, Meddeb pense que “notre marché principal a été jusque-là, est aujourd’hui et restera encore pour longtemps l’Europe. Sur l’Europe des 28 pays nous exportons vers trois pays seulement. Et pour prendre l’exemple de l’Allemagne, ce sont les Allemands qui viennent produire ici pour réexporter leur production vers leur pays. Pour les 25 autres pays, nous ne connaissons ni les circuits de distribution ni les donneurs d’ordre et encore moins les spécifications techniques et l’organisation institutionnelle. Le potentiel de ces marchés est totalement ignoré et c’est à ce niveau que devrait intervenir la diplomatie économique”.