La saison estivale bat son plein, le secteur touristique tunisien est en ébullition. C’est derniers mois, l’hôtellerie tunisienne a enregistré la création d’une nouvelle fédération, en l’occurrence l’Union nationale de l’industrie hôtelière “UNIH“, présidée par Afif Kchouk.
Cinq mois après l’officialisation de la création de l’UNIH, WMC a rencontré son président pour nous parler du secteur touristique tunisien, en général, et de l’hôtellerie, en particulier.
De façon succincte, M. Kchouk expose dans cette interview les difficultés réelles auxquelles fait face le secteur, quelles doivent être les solutions à mettre en place, et comment il voit l’avenir de ce secteur qui considère comme fondamental pour l’économie tunisienne.
Entretien.
WMC: Avant d’évoquer l’Union nationale des industries hôtelière (UNIH), expliquez-nous ce qu’est l’industrie hôtelière.
Afif Kchouk: L’hôtellerie est une industrie lourde et très capitalistique. En Tunisie, le secteur hôtelier, c’est plus de 850 établissements totalisant près de 8 milliards de dinars d’investissements, générant quelques 400.000 emplois dont 100.000 directs et 300.000 indirects. Plus de 1,6 million de Tunisiens vivent de l’hôtellerie dont le personnel est à 99% tunisien.
Avec ses effets d’entraînement et multiplicateurs, l’hôtellerie est le moteur et la locomotive de l’économie tunisienne. Le taux d’intégration de l’hôtellerie dans l’économie nationale atteint les 80% à la réalisation et 100% à l’exploitation.
L’hôtellerie est l’épine dorsale et l’axe central du tourisme tunisien, secteur exportateur par excellence dont les recettes en devises sont arrivées à couvrir jusqu’à 70% du déficit de la balance commerciale du pays.
Quelles sont les problématiques auxquelles font face les opérateurs du secteur du tourisme ?
L’hôtellerie est la composante principale et le maillon essentiel du tourisme tunisien. La première problématique de l’hôtellerie tunisienne aujourd’hui est l’absence de volonté politique réelle, appliquée et suivie. Cette volonté n’est que de circonstance et de parade. Et les décisions prises ne sont pas suivies d’effet sur le terrain.
Depuis 2011, l’hôtellerie en Tunisie souffre d’un problème de produit qui n’a fait que se dégrader ; faute d’investissements de maintenance, d’entretien et de rénovation, suite à la décision des banques de ne plus accorder de crédits au secteur.
Les effets négatifs de la Révolution du 14 Janvier, aggravés par les attentats de 2015, ont achevé le secteur et l’ont mis à genoux.
L’hôtellerie est donc victime d’une image de marque négative de la destination et d’une succession d’événements dont elle n’est pas responsable et dont elle a subi les conséquences néfastes, sans pouvoir réagir, ni lutter contre ou faire face.
La Tunisie a accueilli plus de 7 millions de touristes en 2017, mais aux dires de certains, les entrées en devises ne suivent pas. Comment l’expliquer ? Est-ce question de prix ?
La plupart de ces 7 millions de touristes n’habitent pas dans les hôtels, et celle qui y loge paye en dinars tunisiens.
Par ailleurs, la majorité des hôteliers ont dû vendre aux tours opérateurs à des prix très bas pour faire relancer la demande et attirer les vacanciers.
Ajouté à cela que les contrats signés avec les tours opérateurs sont en majorité en dinar tunisien, une monnaie qui s’est dépréciée face à l’euro et au dollar.
Quelles sont les perspectives du tourisme tunisien : faut-il encore encourager le tourisme de masse ? La profession a-t-elle les moyens financiers de s’engager dans le tourisme haut de gamme ?
Les hôteliers s’adressent aux marchés émetteurs et aux tours opérateurs disposés à collaborer avec eux et à remplir leurs hôtels. Le reste est une question d’offre et de demande, de compétitivité de prix ; mais aussi de disponibilité de transport aérien.
Le problème n’est pas celui de tourisme de masse ou haut de gamme. C’est une question de produit, de sa qualité, de son originalité, de sa richesse et de sa diversité.
Et les touristes aujourd’hui se déplacent selon leurs motivations qui sont en train de changer radicalement.
L’hôtellerie se doit donc d’évoluer selon les intérêts des vacanciers, en adoptant le respect de l’environnement pour le produit et la digitalisation pour sa commercialisation.
L’avenir de l’hôtellerie est prometteur, et ce malgré les difficultés conjoncturelles et structurelles qui entravent son développement actuel.
Maintenant, intéressons-nous à l’UNIH (Union nationale de l’industrie hôtelière). Pourquoi la création de l’UNIH alors qu’il en existe déjà une dont la mission est de défendre les intérêts de la profession ? Concrètement, quelle est la particularité de votre patronat ?
La création de notre organisation patronale s’insère dans le sillage du courant démocratique que vit la Tunisie depuis la Révolution du 14 Janvier 2011 et qui a généré la pluralité des partis politiques, des organisations syndicales et professionnelles.
La particularité de notre organisation est qu’elle présente une stratégie et une vision nouvelle dont la finalité est de régler les problèmes de ses adhérents propriétaires d’hôtels, et d’assurer la pérennité de leurs établissements.
5-6 mois après sa création effective, peut-on déjà établir un bilan de l’UNIH?
Le bilan est annuel. Toutefois, créée officiellement le 20 mars 2018, l’UNIH a réalisé plusieurs actions qui officialisent son existence, sa légalité et sa légitimité en tant que partenaire représentatif, sérieux et crédible.
Comment l’UNIH traite la question de l’endettement hôtelier tunisien ?
Pour l’UNIH, la question de l’endettement est un problème prioritaire, crucial et fondamental qu’il faut résoudre au plus vite.
Mais aussi important, voire plus important est le problème de la remise en état du parc hôtelier. Sans la rénovation des établissements hôteliers, il ne sera pas possible d’améliorer la qualité du produit et de ses prestations, d’augmenter les prix et, par conséquent, de pouvoir payer les crédits bancaires.
Le bureau exécutif a multiplié ces dernières semaines les partenariats avec les institutions financières, notamment l’APTBEF. Quel est l’objectif ?
L’objet des rencontres avec les principaux dirigeants du secteur bancaire et financier était de leur présenter l’UNIH, ses objectifs et sa vision, ainsi que notre “Plan Marshall” pour sauver le secteur et le remettre à flot.
Il semblerait également que l’UNIH s’intéresse aux marchés africains du tourisme ? Qu’en est-il au juste ?
L’UNIH pense déjà se développer à l’international. C’est dans ce but qu’elle est en pourparlers avec plusieurs organisations patronales hôtelières en Afrique subsaharienne, au Maghreb et en Europe pour signer avec elles des conventions de partenariat et d’échange.
Propos recueillis par Tallal BAHOURY