En ce moment même, à la place le Passage, en plein centre-ville, des dizaines de femmes dévoilées -et soulignez «dévoilées» en rouge, s’il vous plaît-, manifestent contre le rapport de la COLIBE.
Ces manifestantes dénoncent des recommandations inexistantes dans le rapport telles que le mariage entre personnes de même sexe, l’interdiction de la circoncision, l’élimination du nom de famille du père pour y mettre celui de la mère, ou encore l’acceptation de ceux qui portent une foi différente de la nôtre !
Normal, lorsque plusieurs témoignages indiquent que depuis les premières annonces des recommandations de la COLIBE, aussi bien dans les mosquées que dans les écoles et institutions scolaires coraniques-qui existent au vu et su des autorités publiques-on prépare des manifestations pour semer la zizanie et diffuser de fausses informations! Les manifestations serviraient, entre autres, à se rallier les conservateurs potentiels du peuple tunisien et regagner la confiance des sympathisants Ennahdha. Ghannouchi aurait, d’après eux, trop cédé au bon vouloir de BCE ces derniers temps.
Ghannouchi, machiavélique, a su tirer son épingle du jeu. Ainsi, après avoir déclaré publiquement que l’homosexualité relevait de l’espace privé de tout individu, tout en évitant de se prononcer sur le droit des femmes à l’égalité dans l’héritage, il a viré de bord et a refusé d’accueillir les membres de la COLIBE.
Quoi de plus normal, la COLIBE ne peut remplacer les milliers de sympathisants d’Ennahdha, et conscient que le Tunisien a une mémoire de poisson rouge, le Cheikh en use à satiété !
Plus rusé que moi, tu meurs !
Quant au rapport COLIBE, il est devenu, pour une frange manipulée et endoctrinée de la société tunisienne, le symbole de la déchéance morale et religieuse de notre pays !
Et c’est ce que Ghannouchi a voulu montrer au peuple en refusant d’accueillir la Commission : se faire passer pour le gardien du temple de la morale et le protecteur de la religion musulmane.
Il joue à merveille son rôle en damnant de nouveau le pion à BCE !
Béji Caïd Essebsi, qui avait annoncé sa détermination à œuvrer pour l’égalité dans l’héritage entre femmes et hommes et a avisé dans la foulée les Tunisiens de la création de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité, se doit aujourd’hui de rétablir les choses dans l’ordre et de rappeler Ghannouchi à l’ordre !
On veut faire de la COLIBE, aujourd’hui, la pomme de la discorde dans notre pays. Elle est exploitée à satiété par les islamistes et les conservateurs pour semer les graines de la «Fetna» dans une Tunisie déchirée depuis 2011 entre régions, classes sociales, idéologies importées, conservatismes avérés et débauche accentuée ! Quoi de plus normal, l’extrémisme appelle l’extrémisme !
Est-ce que BCE a voulu à travers une loi sur l’héritage, récupérer la confiance des femmes ? Celles auxquelles il avait promis avant son investiture en 2014 qu’il ne s’alliera pas à Ennadha pour changer de posture ensuite ? Les Tunisiens sont-ils des schizophrènes ?
Apparemment oui ! Et nous le voyons au quotidien et à l’occasion des fêtes religieuses ou dans l’exercice de rituels hérités de traditions ancestrales. Le Tunisien peut se transformer de l’individu le plus ouvert, le plus tolérant, le plus moderniste en un extrémiste ou un rétrograde le temps d’un claquement de doigt ou lorsqu’on l’accule à prendre position ! Ainsi et à titre d’exemple, la consommation de l’alcool ainsi que les relations homosexuelles, ou autres agissements jugés condamnables par notre société ou le visionnage de scènes pornographiques sont, à certains degrés, exercés régulièrement par nombre de ceux-là mêmes qui descendent aujourd’hui dans la rue pour protester de manière aussi virulente et aller jusqu’à traiter la présidente de la Colibe de mécréante !
La manœuvre de BCE n’aurait pas réussi à regagner la confiance d’une grande partie de ses électrices mais elle a malheureusement réussi à donner une «arme» d’appoint à ceux qui veulent s’emparer de nouveau de la société tunisienne et la diviser entre musulmans croyants et mécréants débauchés !
C’est en tout cas ce qui ressort de tous les stratagèmes utilisés par le président d’Ennahdha qui n’hésite pas à faire des déclarations pour séduire ses appuis européens et des contre-déclarations pour récupérer ses bases !
Le président aurait-il et pour la énième fois été floué par Ghannouchi ?
Entre celui qui a appris l’art de faire de la politique en lisant le prince de Machiavel et celui qui s’est ressourcé de l’histoire arabo-musulmane à travers les ruses de Amrou Ibnou Il A3ss et la détermination sanguinaire de Abū ʿAbd Ar-Raḥmān Muʿāwiya ibn ʾAbī Sufyān, les différences sont d’ordre civilisationnel et culturel même si BCE ne rate pas une occasion de citer les versets du coran dans ses discours !
Pour ceux qui ont prêté allégeance au «prince des croyants», Rached Kherigi Ghannouchi, la seule Tunisie qui puisse exister est celle qui doit devenir terre de la Khilafa !
BCE peut discourir autant qu’il veut sur le consensus ou défendre aussi fort qu’il peut l’islam, aucune force au monde ne pourra infléchir l’un des fondateurs du parti tunisien des Frères musulmans de son projet de métamorphoser la Tunisie ! Tout le reste n’est que paroles et discours à l’intention d’alliés conjoncturels et de sympathisants ayant une mémoire de poisson rouge !
Amel Belhadj Ali