Depuis bien des années, la Tunisie adopte la politique de compensation pour différents produits de base. L’énergie et les hydrocarbures sont concernés par cette compensation qui se fait sentir de plus en plus lourde sur le budget de l’Etat.
On a beau imaginer le cours du baril au moment de l’élaboration de la loi de finances, la réalité du terrain est toute autre et dans la plupart des cas, l’évolution du prix du baril pèse lourdement sur les équilibres financiers de l’Etat. C’est dans ce contexte que le FMI a recommandé entre autres à la Tunisie d’ajuster sa politique énergétique afin de pouvoir bénéficier du concours de ce dernier.
La faute au prix du baril de pétrole…
Si la baisse des prix internationaux d’hydrocarbures en 2015 et en 2016 a été une «manne» pour la Caisse de compensation, on ne peut pas en dire autant aujourd’hui puisque, depuis 2017, le prix du baril ne cesse d’augmenter sur le marché international. Le projet de la loi de finances 2018 a été élaboré sur la base d’un prix du baril de 54 dollars, il a prévu une réduction des dépenses de compensation au titre de l’énergie de 900 millions de dinars, cette réduction découlera des futurs ajustements trimestriels des prix.
L’accroissement récent du prix international des hydrocarbures par rapport au prix prévu rend caduques ces prévisions et rend la situation plus difficile. En effet, le prix du baril a atteint aujourd’hui 67 dollars et c’est bien loin des 54 dollars prévus à la loi de finances 2018. Aussi, il faut savoir que l’augmentation d’un dollar du prix du baril se répercute en termes de millions de dinars sur la Caisse de compensation (121 millions de dinars.)
Le répit de 2015 et 2016 a vraisemblablement rendu moins urgents les efforts d’amélioration de l’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. Ce que le FMI n’a pas omis de rappeler à la Tunisie.
Les secteurs productifs consomment 80% de l’énergie
En Tunisie, la consommation de l’énergie se répartit comme suit : transport (35%), industrie (32%), logement (17%), services (9%) et agriculture (7%). Ainsi, les secteurs productifs consomment plus de 80% de l’énergie. Aller vers la vérité des prix les pousserait à moyen terme à maîtriser leur consommation d’énergie et à s’orienter davantage vers les projets d’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.
Mais, en attendant cette transformation, il convient de tenir compte des difficultés que rencontreraient de nombreuses activités énergivores notamment les très petites entreprises dans l’agriculture, la pêche, le transport… Certaines activités ne pourraient survivre que si elles répercutent l’augmentation du prix de l’énergie sur leur prix de vente. Ceci est naturellement inflationniste.
Réduire les subventions indirectes, mais…
Si on en vient à réduire les subventions indirectes dont bénéficient les produits énergétiques, ceci aura un effet inflationniste à court terme et pourrait même affecter négativement la compétitivité des activités énergivores.
Par contre, ceci se répercutera positivement sur les finances publiques et réduira le déficit budgétaire et l’endettement.
Toutefois, il faudra rester vigilent : la réduction des subventions indirectes aura des répercussions socioéconomiques puisqu’elle touchera le bien-être des ménages. Cette perte de bien-être est inégalement répartie entre les classes de revenus. Si les subventions de l’énergie profitent aux plus nantis, leur suppression lèse surtout les moins nantis et peut avoir un effet appauvrissant pour la classe moyenne.
Développer une offre suffisante de transports collectifs
A moyen et long terme, se rapprocher de la vérité des prix de l’énergie aura un effet positif sur la croissance parce qu’il réduira les distorsions, permettra de développer l’efficacité énergétique et rationalisera l’utilisation de la voiture particulière à condition de développer les transports en commun. Pour cela, des préalables doivent être assurés : développer une offre suffisante de transports collectifs et lever les obstacles réglementaires et institutionnels qui bloquent le secteur privé du transport.
Pour ces raisons et pour minimiser les effets négatifs et les tensions sociales qui peuvent résulter de ces mesures à court terme, il convient de procéder progressivement à leur mise en œuvre et de les accompagner des politiques susceptibles de permettre aux usagers d’adopter des modes de consommation et de production plus efficaces.
Transparence dans l’octroi des subventions aux entreprises publiques
Par ailleurs, il importe d’assurer plus de transparence dans l’octroi des subventions aux entreprises publiques agissant dans le secteur énergétique. Le cadre institutionnel en vigueur doit être revu et simplifié pour s’assurer de plus d’efficacité et de redevabilité.
En Tunisie, la politique de compensation a été un outil principal de la politique sociale et de la politique de compétitivité basée sur les faibles coûts et non pas sur la valeur ajoutée. Au fil des années, la politique de compensation est devenue très coûteuse pour le budget de l’Etat. Les réformes envisagées doivent être progressives et s’accompagner par des compensations de perte de bien-être pour les plus vulnérables et des possibilités de substitutions plus larges.
Energies renouvelables, l’alternative…
La maîtrise du coût énergétique et l’atteinte d’une vérité de prix doivent obligatoirement passer par le biais des énergies renouvelables comme alternative, or même si ce secteur répond désormais à un cadre qui le réglemente, il n’en reste pas moins qu’il est en contradiction avec certaines mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances pour l’année 2018, chose qui représente une aberration.