«La Femme est le rayon de la lumière divine», disait le majestueux Djalal Addine Al Rûmi, celui que le grand Soufi Farid Addine Al Attar décrivit comme un océan marchant derrière une mer. Djalal, enfant, suivait son père, lui-même rehaussé au rang de Sultan des savants.
Al Rûmi portait les femmes en haute estime et le disait clairement : «Dieu est créateur, la femme est procréatrice».
Quel rapport entre Mawlana, né au 13ème siècle à Balkh en Afghanistan, savant, soufi et poète mystique élevé au statut de saint, qui, tout petit tout, a appris de la religion musulmane, en étudiant le Coran, la Sunna et le fikh, les manifestants du Bardo en ce samedi, 11 août 2018, que haine et ignorance aveuglaient ? Ces «individus» qui ignorent que, si elle n’est pas tolérance et miséricorde, une religion, n’importe laquelle, ne peut fédérer autour d’elle l’humanité.
Al Rûmi appartenait à l’islam des lumières et se rapprochait de Dieu par la danse. Et les 5 mille énergumènes qui brayaient en face de l’ARP appartiennent à un islam qu’ils ont voulu sombre et ténébreux : celui de la division, de la haine et du rejet de l’autre. Celui où il n’y a de place que pour les dogmes et l’intolérance.
Ces Tunisiens, nos concitoyens, amenés de tous les coins de la Tunisie en bus et prenant pour prétexte le rapport de la COLIBE pour appeler à «L’invasion sacrée» sont la plus grande preuve de l’incapacité du parti islamiste, Ennahdha, à séparer l’aspect prédicateur de celui politique. Nous ne sommes plus dans l’islam politique mais dans le prêche politique de guerre.
Oussama Arifi, un activiste aahdhaoui qui pose dans sa photo de profil avec le gendre de Ghannouchi et ex-ministre des Affaires étrangères de la Troïka, n’a pas manqué de décrire la manifestation islamiste du Bardo comme citée plus haut «d’Invasion sacrée». Il appelle les adeptes, comme lui, à se battre avec «férocité» ; et termine un de ses post par «Vive le mouvement Nahdha»!
Il avait, dans une série de publications précédant la manifestation, incité les adhérents et sympathisants du mouvement à prendre les bus gratuits mis à disposition pour se déplacer de leurs gouvernorats à la capitale.
Face à ces chants de guerre et de mort de la place du Bardo, répondent ceux de la vie : du chant et de la danse.
Et ce sont des femmes, comme le dit Bouthaina Gargoubi, qui répondront aux fanatiques des houris par la lutte pour les libertés. «Le 13 août sacre pour nous autres Tunisiennes le CSP dont nous sommes très fières. Les adeptes de Hassan Al Banna, Saied Kotb ou encore Mohamed Abdelwaheb qui veulent nous renvoyer au Moyen-âge ne verront pas leurs projets obscurantistes réussir dans notre pays».
Cette coordinatrice générale de l’initiative «Lam Al Chaml» et secrétaire générale de l’Association «Tunisie, la civilisation» figure parmi les organisateurs de la procession de la Slimania. «Pour nous, aujourd’hui est important et nous le montrerons en rappelant, par notre marche mystique partant de la Slimania, que notre Tunisie est plurielle et que ses femmes ont été à travers l’histoire et depuis des millénaires des actrices importantes et agissantes dans la vie de leur peuple. Ces femmes sont la Kahena, Aziza Othmana et Tawhida Ben Cheikh. Ces femmes sont toutes celles qui se battent pour participer au développement socio-économique de notre pays et celles qui veulent œuvrer efficacement à changer les donnes politiques pour que notre futur soit plus radieux que notre présent. Oui nous revendiquons une troisième République et nos revendications ne se feront pas en brandissant les drapeaux noirs de Daech et de la mort. Nos chants ne seront pas des chants de guerre mais des chants de vie pour la vie».
A ces chants de mort et ces litanies de guerre criés haut et fort samedi 12 août à la Place du Bardo, Raja Tabaï a, elle aussi, préféré la danse. La Tunisie dansera en ce 13 août parce que c’est grâce au CSP que la Tunisie a résisté à ce jour à l’endoctrinement et à l’extrémisme ! Parce que les femmes tunisiennes sont cultivées et instruites et porteuses de valeurs, elles ont choisi la liberté à la soumission.
«La Tunisie danse» est une opération symbolique qui vise à montrer au monde entier que nous autres Tunisiennes sommes heureuses et fières d’appartenir à cette terre nommée Tunisie. Nous sommes bien dans nos têtes et nous nous sentons bien dans nos corps. De tous âges, nous fêterons lundi 13 août, enveloppées du drapeau national, notre CSP, nos droits acquis et ceux à acquérir».
La femme est la vie, elle la donne et elle tient à la défendre contre tous ceux qui diabolisent son corps, assure Mme Tabaï, qui a ajouté que le choix de l’Avenue Habib Bourguiba revêt une grande symbolique car c’est en grande partie grâce à lui (Bourguiba) que les Tunisiennes continuent, armées de leur liberté acquise il y a plus de 60 ans, à tenir tête à tous ceux qui veulent les réduire au rôle de génitrices en en faisant un statut réducteur.
«La danse est aussi notre manière de nous réapproprier l’espace public. Il y en a qui veulent se l’approprier par les litanies, les chants de guerre et de mort. D’ailleurs, nous nous sommes battues dans le groupe pour imposer les chansons occidentales avec celles tunisiennes pour souligner notre universalité et rappeler que nous ne sommes pas qu’Arabo-musulmanes, mais également Tunisiennes, Maghrébines, Méditerranéennes et Africaines. Nous défendons l’universalité de notre civilisation et nous tenons à ce que l’on sache que nos enfants sont et seront attachés à leur patrie mais aussi ouverts sur les autres cultures, à la vie et à la joie».
Aujourd’hui à l’Avenue Habib Bourguiba, il n’y aura pas de drapeaux noirs. Ce sont les couleurs rouge et blanc de l’étendard national qui flotteront et célébreront la fête des femmes, de toutes ces Tunisiennes, celles qui triment dans les usines, dans les champs, qui soignent dans les hôpitaux, celles qui enseignent, celles qui partout se sont battues pour s’imposer dans l’espace public, et celles qui ont choisi de s’occuper de leurs enfants ! Aujourd’hui l’Avenue Habib Bourguiba appartiendra aux femmes.
Amel Belhadj Ali