Créé le 12 juin 2012, Nidaa Tounes était promis à un très bel avenir. Surtout après avoir réussi, deux ans et demi seulement après sa création, à faire élire son fondateur et président, Béji Caïd Essebsi, à la présidence de la République, et à devenir le premier parti à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Hélas, ce moment qui devait marquer le véritable envol d’une formation qui n’était jusqu’alors qu’un projet de parti politique va, au contraire, en amorcer le déclin. Notamment parce que le fondateur a décidé d’adouber son fils, Hafedh Caïd Essebsi, pour le faire entrer de force dans le cercle des fondateurs de Nidaa Tounes avant de lui en remettre les clefs.
Six ans plus tard, la facture est là, salée, à la fois pour le président, pour son fils et, également, pour Nidaa Tounes.
Le premier, le président de la République, en est sorti avec une image, donc une crédibilité, très largement entamée. Son fils, directeur exécutif de Nidaa Tounes, est devenu l’une des personnalités politiques que les Tunisiens aiment le plus détester. Enfin, le parti présidentiel a, d’abord, réussi, en trois ans et demi, le tour de force de perdre près du tiers de ses députés et de céder par conséquent la position de première formation à l’ARP au mouvement Ennahdha. Et ce n’est pas le plus grave : Nidaa Tounes n’est plus perçu par une large partie des Tunisiens qui lui ont donné leurs voix en 2014 –depuis, le parti présidentiel en aurait perdu près d’un million- comme un «joujou» -le Général De Gaulle disait des Nations unies qu’elles étaient un «machin» entre les mains des Américains- entre les mains de M. Fils.
Les tares de Nidaa Tounes…
De parti se présentant comme le contrepoids et l’alternative du mouvement Ennahdha, Nidaa Tounes s’est trouvé ravalé au rang d’appareil contrôlé par et pour un individu et la clique qui l’entoure.
C’est tout cela qui doit changer si Nidaa Tounes veut retrouver son rôle, sa capacité à mobiliser et sa crédibilité… perdues. La première condition -sine qua none- non pas pour la réussite du chantier de la refondation mais uniquement pour son lancement est le rétablissement de la légalité et de la légitimité, en débranchant l’actuel directeur exécutif.
L’écrasante majorité des Nidaïstes le reconnaissent –et ceux qui s’en abstiennent n’en disconviennent certainement pas dans leur for intérieur- la détention des commandes du parti par Hafedh Caïd Essebsi est à la fois illégale et illégitime. Illégale parce que son intégration à la direction, au lendemain de l’élection présidentielle de 2014, n’a pas découlé d’une décision des instances du parti présidentiel mais de celle d’un seul homme; son père. Donc, c’est un fait du Prince.
Le parachutage consécutif de Hafedh Caïd Essebsi à la tête de Nidaa Tounes en lieu et place de son père-fondateur du parti est également illégitime parce que la logique et le bon sens commandaient que, à défaut d’un choix par les urnes, ce soit, pour emprunter une expression au monde militaire, le dirigeant le plus ancien au grade le plus élevé qui prenne la succession de Béji Caïd Essebsi. Or, HCE est loin de répondre à ce critère-là.
Les trois conditions sine qua none à la refondation de Nidaa Tounes
Comment libérer Nidaa Tounes de l’emprise de son directeur exécutif ? Celui-ci n’a pas trente-six mille solutions à sa portée. Il peut choisir de se démettre de lui-même, de sortir ainsi la tête –relativement- haute, de regagner un tant soit d’estime et la possibilité –toute petite- d’être maintenu par le congrès à venir au sein de la direction.
Il peut ensuite prendre le risque de présenter sa candidature pour le poste qu’il occupe lors d’un congrès véritablement démocratique, avec le risque, guère négligeable, d’y subir une cuisante défaite. Enfin, il peut s’entêter et s’agripper à son fauteuil et prendre ainsi le risque de condamner à l’échec la tentative de refondation de Nidaa Tounes et d’entrer ainsi dans l’histoire comme celui qui s’en est indument emparé pour ensuite le faire couler.
La deuxième condition –incontournable- de la réussite de la refondation du parti présidentiel est l’instauration d’un véritablement fonctionnement démocratique. Car, comme l’affirmait Béji Caïd Essebsi, lorsqu’il était président de la Chambre des députés en 1991, «un parti qui ne pratique pas la démocratie en son sein n’est pas crédible quand il prétend vouloir la réaliser au niveau du pays». Ce nouveau mode de fonctionnement doit remplacer l’actuelle gestion monarchique et bureaucratique.
Tout cela est nécessaire mais pas suffisant. La (re)naissance de Nidaa Tounes passe également –troisième condition- par un changement total de culture, de perception et de manière de faire de la politique. Ce qui passe inévitablement par un profond changement d’hommes. Pour évacuer du parti présidentiel tous ceux qui, pour une raison ou une autre, sont négativement connotés et rappellent aux Tunisiens des méthodes renvoyant à une époque que la plupart d’entre eux veulent oublier.
C’est à ce prix que Nidaa Tounes pourrait espérer (re)devenir le parti porteur de l’espoir d’un avenir meilleur et celui apte à le traduire dans les faits, ne serait-ce qu’en partie. Mais les dirigeants actuels de cette formation sont-ils prêts à le payer ? Tout dépendra de leur capacité à s’administrer le très amer remède.
M.M.