Depuis quelques années, il est de bon ton de passer son été avec une grande figure de la philosophie : Homère, Valéry, Proust ….
Eh bien moi, j’ai passé un nouvel été avec Internet et j’ai trouvé cela, une fois de plus formidable ! D’autant plus que je peux comparer l’avant et l’après… et pas à l’avantage de l’avant.
Je me lance donc dans un plaidoyer de mon ami Internet… Même si ce n’est pas très politiquement correct par les temps qui courent !
Passer l’été avec un grand penseur, le néo-rousseauisme
L’idée est de redécouvrir un auteur qui a marqué notre pensée occidentale … pour mieux prendre du recul avec le monde actuel.
En effet, l’humanité se porterait certainement mieux si elle était capable de réfléchir avant d’agir, alors que l’action seule semble avoir pris complètement le dessus au 21ème siècle. Cette démarche largement plébiscitée est donc à la fois stimulante et légitime.
MAIS elle a comme hypothèse que la «vraie vie» est celle de la déconnexion, loin d’Internet et de ses effets néfastes si largement décriés : les gens ne se parlent plus, chacun est dans sa bulle et passe à côté de la «vraie vie»… Comme si cette «vraie vie» était AVANT !
Eh oui, AVANT les gens se parlaient, ils n’étaient pas tous dans la rue comme des zombies à regarder leur écran, ils échangeaient dans les files d’attente, les transports en commun, ils partageaient de vrais repas autour d’une table, ils séparaient la vie professionnelle de la vie personnelle, ils n’étaient pas toujours en charge mentale avec les informations qui viennent du monde entier en direct, ils prenaient le temps de lire de vrais livres …. J’en passe et des meilleures ….
Nous vivons un néo-Rousseauisme qui pose question : jusqu’où nous faut-il remonter pour retrouver la «vraie vie» ?
Les Amish ont décidé que c’était en 1693, Sylvain Tesson dans une récente interview fait l’apologie des motos à pistons, les naturistes plaident pour un retour à l’état de nudité… on nage en plein Rousseauisme remis au goût du jour…
Comme nous plébiscitons l’authenticité en architecture (les villes ou les bâtiments devraient rester dans leur jus), nous aimerions donc que nos vies se figent dans le fantasme d’une vie passée ?
Si on regarde l’humanité, elle a toujours su progresser en se recréant sans arrêt : utilisant les pierres de tels monuments pour en construire d’autres, rasant des quartiers de villes pour les reconstruire, adoptant de nouveau moyens de communication comme l’imprimerie, les journaux, la télévision … avec les mêmes débats mais sans que le mouvement ne s’arrête !
Eh bien moi, j’ai passé mon été avec Internet et j’ai aimé ça !
Mon été avec Internet
Il se trouve que je suis d’une génération qui a bien connu l’AVANT Internet puisqu’il est rentré dans ma vie au début des années 90 (mon premier modem en 1996 … avec ses cris d’hyène en rut …), et j’étais déjà largement à l’âge adulte.
Cet été, comme chaque été depuis une décennie, j’ai pu faire un tas de choses grâce à Internet, qui m’ont rendu la vie plus agréable, plus facile, plus intense aussi …
– Je suis restée en contact malgré plusieurs milliers de kilomètres et le décalage horaire avec mes proches, en échangeant avec eux sur ces choses formidables (nos découvertes mutuelles de lieux nouveaux et enchanteurs) mais aussi sur des questions très quotidiennes qui sont aussi la vraie vie. Cela me permet de voyager sans angoisse, particulièrement concernant la santé chancelante de mes parents très âgés.
– J’ai pu régulièrement suivre l’actualité du monde grâce à plusieurs applis, car je trouve important et stimulant de prendre le temps de lire des articles de fond, ce que je n’ai pas le temps de faire en période d’activité, et j’aime savoir ce qui se passe sur cette Terre qui est la mienne.
– J’ai écouté pour me réveiller des émissions de mes chaînes de radio préférées, à l’autre bout du monde.
– J’ai réservé au dernier moment des billets de trains ou des chambres d’hôtel, sans perdre de temps, pour rendre mon voyage plus agréable, et profiter d’opportunités dont je n’avais pas connaissance avant.
– J’ai pu découvrir de nouvelles musiques, de nouveaux films grâce au streaming.
– J’ai bénéficié des conseils d’autres voyageurs pour éviter des embûches sur des sites touristiques moins bien desservis (merci à Tripadvisor entre autres).
– J’ai échangé avec des ami-es ou des relations que j’avais perdu-es de vue et que je ne prenais pas le temps de contacter dans l’année, faute de temps.
– J’ai trié mes photos de souvenirs en me régalant de revivre des événements forts de ces derniers mois.
– J’ai pu suivre l’actualité de mon école en temps réel : particulièrement le rapatriement d’étudiant-es en stages sur l’île de Lombok, victime d’un horrible séisme.
– J’ai, en temps réel, cherché des informations sur l’histoire du pays que je visitais, ou retrouver des récits de figures historiques dont je croisais le chemin.
– J’ai trouvé les définitions de mots que je recherchais pour des mots croisés (faits sur papier !).
– J’ai pu aider mon fils qui avait un rapport de stage à terminer au creux de l’été.
– Et j’en oublie ….
Tout cela est tellement précieux … et ma déconnexion obligatoire de 48 heures sur une île sans WIFI a pu me faire apprécier toute cette richesse que m’apporte Internet.
Je l’apprécie d’autant plus que j’ai perdu à jamais des amies intimes dans mon enfance car après quelques mois de correspondance par courrier, nous n’étions plus en lien (alors que seulement dizaines de kilomètres nous séparaient) ; que j’ai eu à apprendre un deuil d’un proche à mon retour de vacances à l’autre bout du monde ; que j’ai vécu 5 années en Afrique avec comme seul lien le courrier qui prenait 15 jours pour arriver à destination (quand il arrivait) avec toute la perte d’intimité qui en résulte …
Pour moi, un été avec Internet est une bonne chose et je n’aspire pas à vivre SANS lors de mes prochains étés ! Mais Chut ! Ce n’est pas politiquement correct de le dire …
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Isabelle Barth
Directrice générale INSEEC BS Directrice de la Recherche et de la Valorisation académique INSEEC U. chez INSEEC U.
Source : LinkedIn