“La dissolution du ministère de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, décidée vendredi 31 août 2018 par le chef du gouvernement, est une décision politique. La raison évoquée ayant trait à une mauvaise gouvernance au sein du ministère n’est que l’arbre qui cache la forêt des divergences de points de vue entre le ministère et la présidence du gouvernement sur plusieurs dossiers d’ordre technique”.
C’est en tout cas ce qu’a affirmé le directeur général des hydrocarbures au ministère de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, Hedi Hrichi, limogé lui aussi, cité par l’agence TAP.
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Selon lui, “ces divergences concernent essentiellement les dossiers relatifs aux énergies renouvelables, à l’orientation retenue par le ministère de maintenir la compensation dans certains secteurs comme l’électricité et les produits pétroliers en l’absence de mesures sociales qui peuvent atténuer les effets d’une éventuelle levée de cette compensation, à la relation avec le FMI et la Banque mondiale …”.
Hrichi reconnait, par ailleurs, une certaine défaillance de l’ancienne administration qui n’a pas attiré l’attention sur les lacunes juridiques relatives à l’exploitation par un investisseur tunisien d’une concession pétrolière dans la région de Monastir après son expiration en 2009, mais estime que “l’actuelle administration en poste depuis peu de temps n’assume aucune responsabilité dans cette affaire, d’autant plus que c’est cette même administration qui a soulevé, début juillet, les problèmes juridiques relatifs à ce dossier à la présidence du gouvernement”.
“La présidence du gouvernement a ainsi demandé une note explicative, chose qui lui a été transmise ultérieurement. Le chef du gouvernement nous a ainsi convoqués en réunion, le 30 août 2018, pour trouver des solutions aux problèmes évoqués, avant de prendre sa décision, pour le moins étonnante, un jour après, faisant porter à l’administration actuelle les défaillances des anciennes administrations”, a-t-il ajouté.
Et de rappeler que “la concession de Halk El Menzel, objet de cette affaire, a été attribuée en 1979 pour une durée de 50 ans au profit de l’entreprise autrichienne OMV.
“L’Etap n’y détenait pas d’option de participation. Les premiers titulaires de cette concession ont ultérieurement opté pour les avantages du Code des hydrocarbures de 1999, ce qui ramène sa durée de validité à 30 ans, qui prend fin en 2009 “, a-t-il encore expliqué.
Entre temps, ses titulaires ont décidé, en 2006, de céder la totalité de leurs intérêts dans la concession Halk El Menzel au profit d’un opérateur tunisien “Topic” qui a continué à l’exploiter depuis, sans que l’administration n’attire son attention sur la fin de sa validité en 2009.
Pour l’ex responsable de l’ETAP, cette défaillance ” est peut-être due au fait qu’il s’agit d’une concession gelée (qui n’est pas exploitée commercialement)”.
“Prenant connaissance de l’invitation faite par l’investisseur exploitant cette concession au Chef du Gouvernement pour assister à la cérémonie de l’entrée en exploitation du champ pétrolier, l’administration actuelle a soulevé deux problèmes juridiques relatifs à ce champ, lesquels ont été inscrits dans la note adressée à la présidence du gouvernement”, a indiqué le responsable.
Le premier problème, concerne la validité de la concession d’exploitation et le deuxième concerne la participation de l’ETAP”, a-t-il encore expliqué.
“L’administration a aussi attiré l’attention sur le fait que la présence des officiels à une cérémonie d’inauguration se fait habituellement lors du démarrage de la production et non lors du démarrage des forages d’exploitation dont les résultats sont parfois aléatoires, voire négatifs, chose qui n’a pas plu à certaines parties”.
Interrogé sur le temps pris par l’administration actuelle pour repérer de telles lacunes juridiques, notre interlocuteur a considéré que “ce genre de dossier nécessite un temps de vérification pour ne pas paraître comme un simple règlement de compte avec certains investisseurs”. “La révélation de cette affaire a pris le temps qu’il faut”, a-t-il encore fait savoir.
Et de conclure : “la décision prise par le chef du gouvernement n’a rien de technique. C’est une décision qui obéit à des calculs qui me dépassent personnellement, n’étant pas un homme politique. Mais une chose est sûre, elle aura des conséquences très négatives sur la continuité de l’administration et sur les dossiers qui sont en cours au sein du ministère dissous”.
Pour rappel, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a limogé, vendredi 31 août 2018, le ministre de l’Energie, des Mines et des Energies renouvelables, Khaled Kaddour, le secrétaire d’Etat des Mines, Hachem Hmidi, ainsi que les directeurs généraux des Affaires législatives et des Hydrocarbures, et le PDG de l’Entreprise Tunisienne d’Activités pétrolières (ETAP).
Chahed a également décidé de fusionner le ministère de l’énergie, des mines et des énergies renouvelables à celui de l’industrie et des Petites et Moyennes Entreprises.
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