Les tiraillements politiques et le mode de scrutin sont à l’origine du blocage dans la mise en place de la Cour constitutionnelle. C’est ce qu’ont estimé plusieurs constitutionnalistes qui se sont réunis mercredi 3 octobre autour d’une table ronde pour débattre d’un thème aussi important que celui de “la réussite du processus de transition dépend de la mise en place de la Cour constitutionnelle”.
Présent à ce conclave organisé à l’initiative de l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), le constitutionnaliste Amine Mahfoudh a souligné que “les membres de la Cour constitutionnelle doivent être choisis sur la base de leurs compétences, de leurs acquis, de leurs réalisations et de leur apport, abstraction faite de leur appartenance partisane”.
“Chacun est libre d’appartenir à un parti politique. Toutefois, une fois retenu pour un siège à la Cour constitutionnelle, le juge doit s’acquitter pleinement de sa mission. Malheureusement, il existe une volonté de la classe politique de proposer des soldats que des compétences”.
En plus des tiraillements politiques, “le mode de scrutin est aussi à l’origine du blocage dans la mise en place de la Cour constitutionnelle. Il s’agit là d’une catastrophe par rapport au processus de mise en place des institutions constitutionnelles”.
Selon lui, la loi électorale qui impose le système de la représentativité proportionnelle est une source de problème, d’instabilité et d’ambiguïté qu’il faudrait dépasser le plus tôt possible.
“Une réforme de la loi électorale s’impose pour exiger le principe de la majorité absolue à la place du système de la représentativité proportionnelle”, a-t-il suggéré.
Pour le constitutionnaliste Kamel Ben Messaoud, la seule option qui reste pour trouver une issue à la crise de mise en place de la Cour constitutionnelle est de présenter une initiative législative visant à modifier la loi organique sur la Cour constitutionnelle.
Selon lui, “ce projet propose le recours à la majorité des deux tiers aux premier et deuxième tours. Mais, en cas de blocage, il faut opter pour la majorité absolue (109 voix) à la place de la majorité des deux tiers (145 voix)”.
“Peu importe son background politique, chaque membre de la Cour constitutionnelle devrait respecter le devoir d’intégrité. Ceci dit, le juge ne doit pas être loyal à celui qui l’a élu, mais plutôt à la Tunisie et à la suprématie de la Constitution. Il devrait veiller à la bonne application et au respect de la Constitution par toutes les structures publiques”, a-t-il souligné.
“Les tiraillements politiques ont dévalorisé la Cour constitutionnelle”, a de son côté regretté le constitutionnaliste Sadok Belaïd.
D’après lui, ces tiraillements risquent d’altérer la réputation des juges qui seraient élus, alors que les membres de la Cour constitutionnelle devraient être des plus compétents et des plus indépendants dans leur domaine.
Les députés de l’Assemblée des représentants du peuple ont échoué à maintes reprises à élire les 3 membres restants de la Cour constitutionnelle.
Selon l’article 118 de la Constitution, “la Cour constitutionnelle est une instance juridictionnelle indépendante, composée de douze membres, choisis parmi les personnes compétentes, dont les trois-quarts sont des spécialistes en droit et ayant une expérience d’au moins vingt ans.
Le président de la République, l’Assemblée des représentants du peuple et le Conseil supérieur de la magistrature désignent chacun quatre membres, dont les trois-quarts sont des spécialistes en droit”.
Un seul membre de la Cour constitutionnelle a été élu en mars dernier par l’Assemblée des représentants du peuple. Il s’agit de Raoudha Ouersighni. Les trois membres de la Cour constitutionnelle à désigner par le Parlement concernent un membre dans la spécialité de droit et un autre hors spécialité.
Selon la Constitution, la Cour constitutionnelle est installée dans un délai d’un an de la date de l’organisation des élections législatives de 2014.