Je viens de parcourir le dernier rapport du FMI relatif à la Tunisie concernant la quatrième revue menée dans le cadre de la facilité élargie. J’ai toujours considéré que la force du FMI réside dans les analyses des politiques macroéconomiques sur le court terme, mais que cette institution n’est pas particulièrement spécialisée dans celles qui portent sur le moyen et long termes. Le dernier rapport sur la Tunisie n’y déroge pas.
En effet, le cadrage macroéconomique du rapport sur le moyen et long termes comporte des fragilités et se base sur des hypothèses difficiles à défendre :
- un taux d’épargne qui passe de 10% en 2018 à 17% en 2021 et près de 19% en 2023,
- un taux d’épargne publique qui augmente de 0% au mieux en 2018 à 5% en 2021,
- une masse salariale dans la fonction publique dont le niveau baisse de 14 à 12,4 milliards de dinars dès 2020, pour se stabiliser à 12 milliards de dinars jusqu’à l’année 2023,
- l’abandon des subventions au carburant dès 2021 et la stabilisation des autres types de subvention à 2,2 milliards de dinars.
Le schéma sous-tendu ne prévoit pas, par ailleurs, de changements majeurs au niveau de la structure de croissance. Bien plus, il se base dès 2020 de nouveau sur une plus grande contribution du secteur public, ce qui pose des questions sur la pertinence de l’hypothèse et sa faisabilité, bien que cette plus grande contribution soit portée essentiellement par l’investissement public.
Concernant la politique du taux de change, le schéma présenté sous-tend la poursuite de la dépréciation du dinar (ou flexibilité du taux de change dans le jargon utilisé par le FMI) en vue d’accroître le niveau des réserves de change, ignorant que cette politique menée au cours des dernières années n’a pas permis de réduire les déficits commercial et courant, loin s’en faut.
Les données à fin septembre 2018 montrent une poursuite de la dégradation du déficit commercial qui aurait atteint plus de 14 milliards de dinars, soit un niveau proche de celui de toute l’année 2017.
Le niveau de ce déficit pourrait atteindre, pour toute l’année 2018, 18 milliards de dinars, soit trois fois le niveau dix ans auparavant (6 milliards de dinars en 2009) et le déficit courant serait pour 2018 proche de celui de 2017 (aux alentours de 10% du PIB).
Autant d’interrogations sur la pertinence et la faisabilité de ce schéma sur le moyen terme (2019-2023).
Pour toutes ces raisons, le CIPED approfondira ces questions et publiera sous peu un rapport circonstancié afin d’éclairer les autorités concernées et le public sur l’ensemble de ces problématiques et sur le positionnement du projet de Budget 2019 dans le schéma prévu par le rapport ci-dessus évoqué.
Taoufik Baccar, président du CIPED