2,500 milliards de dollars américains, c’est le chiffre d’affaires des 3 plus grandes entreprises opérant dans l’économie sociale et solidaire de par le monde et réalisé en 2015. Des performances importantes qui dénotent de l’importance de cette nouvelle forme d’économie qui, pour nombre de ses militants, est à même de constituer l’“Arche de Noé“ de l’économie mondiale dans les prochaines décennies. Une économie qui met l’homme au cœur de tout développement et pour laquelle Samira Labidi, présidente d’Entreprendre au Maghreb, milite sans répit.
Un engagement exprimé clairement lors du forum international organisé les 18 et 19 octobre en Tunisie dont le thème a été : «Economie sociale et solidaire, le temps de l’action» et qui a été organisé en partenariat avec le ministère de l’Emploi et de la Formation professionnelle, le BIT et la participation du Luxembourg, pays pionnier dans l’ESS.
«Etre militant pour la promotion de l’ESS ne s’improvise pas, ce n’est pas un mode de vie, mais le résultat d’un cheminement de pensées et de réflexions profondes exprimant une vision du monde basée sur le partage et la solidarité», a déclaré Samira Labidi dans son mot de bienvenue.
Elle a, à l’occasion, vanté le rôle de la société civile qu’elle a qualifiée de «consciente des enjeux et qui aspire à prendre son destin en main».
Exprimant un soutien inconditionnel à l’ESS, Faouzi Ben Abderrahmane, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, a profité du Forum pour parler du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, résultant d’un partenariat réel avec la société civile et les opérateurs économiques.
Le ministre a rappelé qu’un comité de pilotage rassemblant plusieurs ministères et partenaires sociaux y ont travaillé pendant deux années.
Le projet de loi est aujourd’hui au stade de la finalisation. «Il est évident que l’Etat a le devoir de donner un cadre légal aux entreprises opérant dans l’ESS qui existent déjà mais rencontrent des difficultés sur plusieurs plans».
M. Ben Abderrahmane a déclaré que l’ESS peut apporter un plus considérable à l’économie nationale car elle accorde une grande importance à l’environnement socioéconomique quoique à ce jour, elle représente tout juste 1% du PIB. «Nous ambitionnons d’atteindre les 5% d’ici 2020, ce qui représentera 5 milliards de dinars».
Le plan d’action pour le développement de l’ESS prévoit le lancement de coopératives dont le nombre d’employés peut atteindre les 5000 ; quant au chiffre d’affaires des entreprises, il se situera entre 5 et 10 millions de dinars.
Pour l’instant, les discussions vont bon train avec le ministère du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale afin de mettre en place des mécanismes de financement et créer un écosystème financier prenant en considération la spécificité des entreprises opérant dans le cadre de l’ESS.
Une communication ciblée ainsi que des programmes de formation consistants représentent en l’occurrence le nerf de la guerre, car si on veut réellement développer l’ESS, «nous devons former les porteurs de projets à l’économie sociale et solidaire. Les centres de la femme rurale ainsi que ceux de l’artisanat artisanaux doivent être transformés en des centres de formation en ESS, car pour réussir à développer cette nouvelle forme d’économie, il va falloir impliquer les acteurs de la société civile ainsi que les opérateurs privés».
Samira Labidi considère, pour sa part, les femmes comme dynamo du développement de l’ESS, et ce «malgré l’extrême précarité dans laquelle elles se débattent».
Un Conseil permanent multipartenaires ou un Haut-Commissariat à l’ESS
En tant que Franco-tunisienne, la présidente d’Entreprendre au Maghreb estime que la diaspora a un rôle important à jouer dans le développement de nouveaux secteurs et tendances économiques. «Plus de 10% des Tunisiens vivent à l’étranger, une diaspora très attentive et réactive qui constitue un véritable levier pour la croissance économique de la Tunisie».
Au terme de deux journées de discussions, les participants au premier Forum international de l’ESS ont convenu de ce qui suit :
– La création d’un réseau d’ambassadrices et d’ambassadeurs de l’ESS issus du tissu local qui nécessiterait une formation spécifique;
– La promotion de la culture de l’ESS passe par un programme éducatif appliqué et adopté par l’ensemble des établissements scolaires pour promouvoir ses valeurs;
– L’institution de bourses d’études prises en charge par les pays partenaires;
– La création d’un fonds ESS alimenté notamment par la diaspora tunisienne et par les entreprises socialement responsables d’autant plus que la Tunisie s’est dotée en juin 2018 d’une loi sur la RSE;
– La création d’un label estampé ESS délivré par un Conseil permanent multipartenaires ou un Haut-Commissariat à l’ESS et qui œuvrera à renforcer les échanges économiques entre les différents acteurs opérant dans le cadre de l’ESS;
– Le développement de plateformes ESS et création d’une WEB TV et une Web Radio pour promouvoir les valeurs de l’ESS en y diffusant les bonnes pratiques et en valorisant les “femmes rurales et artisanes“ et les “jeunes promoteurs“ et l’“économie verte“;
– La création pour les populations les plus vulnérables -femmes rurales et artisanes- d’une mutuelle santé solidaire;
– L’institution dans la future loi soumise par le gouvernement tunisien à l’Assemblée des représentants du peuple de l’ESS en tant que troisième secteur économique à part entière à l’instar des secteurs public et privé;
– La simplification et l’assouplissement des procédures et dispositifs administratifs au profit des acteurs de l’ESS par la mise en place d’un guichet unique;
– Le développement des outils et indicateurs pour mesurer l’impact des projets labellisés ESS et leur contribution dans le PIB.
Amel Belhadj Ali