“Le projet de loi organique relatif à l’organisation des partis politiques et à leur financement est dans l’ensemble clairement rédigé et conforme au mandat constitutionnel”, estime la Commission de Venise qui a donné son avis sur ce projet de loi à la demande des autorités tunisiennes.
L’ancien ministre de la Relation avec les Instances constitutionnelles, la société civile et des Droits de l’Homme, Mehdi Ben Gharbia, avait demandé de la Commission de Venise, par une lettre qui lui a été adressée le 18 juin 2018, de préparer un avis sur ce projet de loi qui vient remplacer le décret-loi n°2011-87 portant organisation des partis politiques en vigueur.
“S’il est adopté, ce projet de loi constituerait un pas important en avant pour assurer la transparence des partis politiques en général et de leur financement en particulier”, a souligné la Commission de Venise dans son avis publié cette semaine.
Selon la Commission, le projet de loi prévoit la mise en place d’une plateforme électronique pour la gestion des dossiers des partis politiques et l’introduction d’un financement public annuel des partis politiques (en plus du financement public des campagnes électorales, déjà établi par la loi électorale de 2014 telle qu’amendée en 2017).
De telles mesures peuvent contribuer à empêcher la corruption, assurer l’égalité des chances des partis politiques et prévenir une dépendance excessive envers les donateurs privés, a-t-elle estimé.
Toutefois, le projet de loi pourrait bénéficier de certains amendements pour mieux atteindre ses objectifs et assurer un bon équilibre entre la liberté d’association dont jouissent les partis politiques et leurs membres, d’une part, et les restrictions et le contrôle nécessaires, d’autre part, a-t-elle ajouté.
A cet égard, la Commission de Venise envisage une série de recommandations et suggestions pour mieux aligner le cadre juridique des partis politiques et de leur financement en Tunisie sur les normes du Conseil de l’Europe et d’autres normes internationales relatives aux droits de l’Homme.
Parmi les principales recommandations de la Commission de Venise :
– Garantir, dans l’article 1er du projet de loi la liberté non seulement de constituer des partis politiques, mais aussi d’y adhérer et d’y exercer des activités, et ajouter le principe de proportionnalité.
– Amender l’article 36 du projet de loi pour que l’identité des donateurs ne soit pas portée à la connaissance du public, mais uniquement de l’organe de contrôle, en cas de petits dons clairement définis.
– Renforcer le dispositif de contrôle financier des partis politiques. La Cour des comptes, ou un autre organe désigné, indépendant et impartial, et doté de ressources suffisantes, devrait disposer d’un mandat, des compétences adéquates et d’une obligation clairement définis consistant à contrôler les états financiers des partis politiques, à vérifier l’exactitude des informations soumises, à ouvrir des enquêtes sur d’éventuelles irrégularités et à s’appuyer sur des pouvoirs renforcés pour assurer une coordination avec les services répressifs et d’autres organismes compétents.
– Réviser le dispositif de sanctions, particulièrement en ce qui concerne la dissolution de partis politiques qui doit être décidée au cas où ils prôneraient la violence ou l’utiliseraient comme un moyen politique pour faire renverser l’ordre constitutionnel démocratique. En cas d’irrégularités moins graves, des sanctions moins sévères telles que des avertissements ou des amendes de faible montant devraient être applicables avant de passer aux sanctions les plus sévères.
Pour la Commission de Venise, l’efficacité de la réforme du financement des partis politiques en Tunisie ne repose pas seulement sur l’adoption de textes législatifs, mais dépend également de l’existence d’une volonté politique et de la mise en œuvre concrète des dispositions applicables. Il est essentiel que les nouvelles règles soient toujours pensées dans la perspective d’une application effective.