Les promoteurs immobiliers, regroupés autour de leur Chambre syndicale (CSNPI), ont cru bon d’anticiper en tenant au début du mois de septembre 2018 une réunion sur la situation du secteur à laquelle avaient pris part tous les acteurs opérant dans le secteur.
L’objectif était d’attirer l’attention du gouvernement sur la “grave crise“, selon eux, dans laquelle se débat cette activité en raison de mévente et du harcèlement fiscal qu’elle a subie par l’effet, entre autres, d’une augmentation de la TVA instituée sur trois ans par la loi de finances 2018. Cette taxe sur la vente des logements atteindrait les 19% en 2020.
Au cours de cette réunion, la Chambre avait formulé un ensemble de propositions pratiques espérant qu’elles trouveraient écho auprès du gouvernement, et ce en prévision de l’élaboration de la dernière mouture de la loi de finances 2019 et avant sa soumission, le 15 octobre 2018, à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Les propositions des promoteurs pour sortir de la crise
Ces propositions consistent essentiellement à réduire la TVA imposée actuellement sur la vente des logements de 13% à 7%, à annuler la mesure d’augmenter ce taux à 19% à l’horizon de 2020 et à instituer une taxation fixe de 25 dinars pour le droit d’enregistrement de chaque page pour les nouveaux biens immobiliers.
Autres propositions suggérées par la CSNPI, l’annulation de toutes les autres taxations antérieures puisque le secteur de la promotion immobilière est déjà assujetti à la TVA imposée sur le stock d’immeubles au 31/12/2017, l’abrogation de l’augmentation, prévue dans la loi de finances 2018, des droits de consommation imposés sur la céramique et le marbre, et la mise en place d’une ligne de crédit pour aider les promoteurs immobiliers à rembourser leurs crédits et les intérêts des crédits immobiliers.
La déception
Malheureusement, après vérification, il s’est avéré que le gouvernement n’a tenu compte d’aucune des propositions de la CSNPI dans le projet du texte de la loi de finances 2019 soumis actuellement au Parlement.
Dans un communiqué rendu public lundi 22 octobre 2018, la Chambre s’est indignée de ce peu d’intérêt pour le secteur, lequel bien qu’il soit une activité à forte employabilité, agonise par l’effet de la sur-taxation.
Parallèlement à cette protestation officielle de la Chambre, des investisseurs dans le secteur immobilier (personnes physiques et morales), découragés par cette pression fiscale et soucieux de meilleurs rendements, ont pris les devants, depuis le début de l’année en cours et migré vers d’autres secteurs. Ils ont réorienté leurs placements vers la Bourse, ce qui a permis à cette institution de réaliser un bond en 2018 de son chiffre d’affaires de plus de 30% durant les 9 premiers mois de l’année. Le logement n’est plus un investissement refuge. Il est supplanté par la Bourse.
Urgence de renforcer un secteur à forte employabilité
Pour les observateurs avertis de l’économie tunisienne (banquiers, experts-comptables, universitaires…), cette migration vers la Bourse fait le bonheur du marché financier certes mais ce n’est pas forcément ce qu’il y a de mieux pour l’économie du pays.
Ils considèrent que le matraquage fiscal que subit ce secteur est une erreur d’autant plus que la demande de logements demeure en hausse. Cette demande est estimée annuellement à 100 mille logements alors que les promoteurs du pays n’en construisent que 10 mille par an.
Logiquement, ce secteur a besoin, relèvent-ils, d’être renforcé et non pas accablé par les taxations. A titre indicatif, l’Etat gagnerait, selon eux, à accorder des avantages multiformes, comme c’était le cas dans les années 70, pour encourager l’épargne logement au niveau des taux ou sous forme d’avantages fiscaux.
Quant au coût du logement qui, additionné à l’accroissement du coût du loyer de l’argent (prêts bancaires), il demeure très élevé. Il pose de sérieux problèmes aux Tunisiens moyens qui veulent acheter un logement.
Par ailleurs, les experts estiment que le moment est venu pour réfléchir sérieusement sur les moyens d’utiliser de nouveaux matériaux de construction moins coûteux et d’allonger les délais de remboursement des prêts logement à 30 ans pour adapter la capacité de remboursement aux échéances de crédit. Il s’agit également de réduire l’autofinancement à 10% pour faciliter l’accès aux crédits.
L’Etat doit aussi présenter des avantages aux Tunisiens résidents à l’étranger concernant les crédits immobiliers et l’épargne logement en leur permettant de rembourser ces crédits en devises, ce qui peut favoriser une forte entrée de devises dans le pays.
Cela pour dire au final que ce ne sont pas les idées et les propositions pour sortir le secteur de la crise qui manquent. Elles sont mêmes récurrentes et remontent aux années 80.