Des voix s’élèvent de plus en plus pour mieux encadrer l’activité de franchise en Tunis, et surtout pour faire en sorte qu’elle serve plus l’intérêt de l’économie du pays.
Définie comme étant la duplication d’une enseigne à succès en échange de royalties, la franchise en Tunisie était considérée, au commencement, comme une niche génératrice d’emplois et de transfert de savoir. Elle est régie par une loi promulguée en 2009, et portant sur les contrats d’exploitation sous l’appellation d’origine «franchise».
Près de 50% des demandes formulées jusque-là concernent le secteur de la restauration, des cafés et du prêt-à-porter. L’étude des dossiers s’appuie sur un ensemble de critères dont la concurrence loyale, l’engagement à investir en Tunisie et à satisfaire le marché intérieur.
Dans la pratique, plusieurs engagements prévus dans le cadre du cahier des charges n’auraient pas été honorés, tels que l’investissement et la concurrence. Ces lacunes ont été relevées par plus d’une partie.
Etendre la compensation industrielle aux franchises
Premier à exiger des correctifs, le Centre Hédi Nouira de prospective et d’études sur le développement déplore, dans une étude intitulée «Programme de redressement économique pour les 2018-2019», les conditions dans lesquelles est exercée actuellement «la politique d’ouverture sur les franchises et les représentations commerciales». Cette politique n’a pas manqué d’entraîner, selon le think tank, «un grand déséquilibre de la balance commerciale, notamment avec certains pays comme la Turquie et la Chine…».
Pour y remédier, le Centre Hédi Nouira recommande de «réactiver le mécanisme de la compensation industrielle et d’étendre son application aux franchises étrangères de nature commerciale».
La compensation industrielle dénommée également offset est une forme de contrats qui permet à l’acheteur d’exiger, en contrepartie d’une commande, des contreparties économiques. De nombreux pays ont mis en œuvre des politiques de compensation industrielle pour favoriser le développement de leur économie.
En Tunisie, la compensation industrielle est perceptible à travers le développement spectaculaire dans le pays de l’industrie des composants automobiles en contrepartie des ventes de véhicules motorisés de marque européenne.
Les franchises favoriseraient la désindustrialisation du pays
Au niveau du secteur productif, c’est le secteur du textile/habillement, du cuir et de la chaussure qui a beaucoup souffert de l’introduction des franchises. A titre indicatif, la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement estime que, sur un total de cinq articles textiles vendus dans le pays, un seul est fabriqué en Tunisie. Les textiliens tunisiens sont sérieusement concurrencés par des franchises étrangères de prêt-à-porter, à l’instar des groupes français Gemo, italien Erréa et turc Waikiki.
Le Centre d’analyses économiques (CAE) s’inquiète et y voit une tendance de «désindustrialisation de la Tunisie».
Le centre relaye la FTH et cite quelques chiffres alarmants qui traduisent cette détérioration du système productif tunisien par l’effet, entre autres, de la concurrence déloyale que livrent les franchises aux secteurs productifs nationaux.
Ainsi, depuis 7 ans (de 2011 à 2017), le nombre des entreprises opérant dans le secteur du cuir et de la chaussure a fortement baissé, passant de 450 à 250.
Autre indice, la perte de 40.000 emplois dans le textile (qui employait 210.000 personnes avant 2011).
Au final, l’enseignement à tirer de ces franchises serait, à notre avis, de les évaluer non pas en fonction du nombre d’emplois qu’elles vont créer -lesquels emplois demeurent du reste précaires-, mais en fonction de leurs investissements productifs dans le pays.