La culture du déni, celle du “tout est bien dans le meilleur des mondes“, c’est ce qui nuit le plus à notre pays. Il faut dire que c’est un héritage de longue date. Il en a été le cas du temps de Ben Ali, plus deux décennies de pouvoir durant lesquelles, pour montrer qu’il maîtrisait et réussissait tout, il prétendait que tout marchait comme sur des roulettes, rejetant aides et conseils jusqu’au jour où il s’est retrouvé éjecté de la Tunisie avec un soulèvement-complot !
Il n’est pire aveugle que celui qui ne veut rien voir, et n’est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre.
L’attentat-kamikaze de l’Avenue Habib Bourguiba, qui était plus un avertissement qu’autre chose, n’est certainement pas un échec ! Mais nous savons depuis longtemps que dans notre chère Tunisie, le ridicule ne tue pas!
Non messieurs, les responsables sécuritaires du pays, l’attentat-suicide perpétré par une terroriste en plein cœur de Tunis dans une avenue emblématique est tout sauf un échec. En témoigne une couverture médiatique internationale et un bruit qui a dépassé de loin celui de la bombe artisanale de l’Avenue Habib Bourguiba et dont les échos se sont fait entendre même dans les journaux régionaux en France !
Il faut reconnaître que les médias étrangers adorent couvrir nos malheurs, nos défaillances, les «incidents» comme se plaisent à décrire nos hauts responsables, du reste nuls en communication de crise, et nos petits malheurs de Tunisiens «désaxés» suite à un printemps arabe que l’on pensait être une des portes du paradis.
Une absence de communication d’Etat consistante, respectable et convaincante
Les médias étrangers, notamment français, mènent la danse s’agissant de l’image de la Tunisie à l’international.
Devons-nous le leur reprocher en l’absence d’une communication d’Etat consistante, respectable et convaincante?
Alors qu’en Tunisie on prétendait que le nombre de blessés ne dépassait pas les 15 personnes, sur France 24 on sous-titrait : «Attentat à Tunis : 20 personnes blessées dont 15 sécuritaires».
Il faut reconnaître que les déclarations faites à propos de l’attentat n’étaient pas à la hauteur de l’événement. La couverture médiatique nationale est également et toujours à côté de la plaque ! Un journaliste travaillant à la télévision nationale a même osé dire que c’est un non-événement, reprochant aux Tunisiens leur effarement de voir la TV nationale continuer à diffuser un match de football alors qu’à l’Avenue Habib Bourguiba il y avait une explosion.
No comment !
Les déclarations qui fusaient de partout exprimaient des fois un soulagement quant au fait qu’il n’y avait pas des morts suite à l’explosion, et d’autres un contentement très déplacé visant la banalisation d’un acte pourtant gravissime. Un acte qui, quoiqu’on en dise, prouve que quelque part nos services sécuritaires et de renseignement restent handicapés après leur démantèlement en 2011, laissant libre cours à des services spéciaux et une police parallèle d’un parti pour sévir à sa guise. Des services spéciaux dénoncés par le Comité de défense des martyrs Brahmi et Belaïd et que la justice estime à ce jour non digne d’intérêt!
Cherchez la faute et surtout allez comprendre pourquoi en Tunisie, les extrémistes djihadistes terroristes ne se sentent pas inquiétés outre mesure !
«Cette opération n’est certainement pas un échec, explique un expert sécuritaire spécialiste des mouvements islamistes terroristes. Il s’agit d’un acte délibéré à travers lequel on a voulu juste adresser un message chiffré à qui de droit. Ils ont voulu nous assurer qu’ils peuvent nous atteindre partout où nous sommes. Dans les années 80, nous avions découvert dans le parking du ministère de l’Intérieur des petites bombes artisanales qu’ils n’ont pas voulu faire exploser. C’est l’œuvre des services spéciaux et des complices des Nahdhaouis au sein même du MI. Les infiltrations ne datent pas d’aujourd’hui mais à l’époque, nous étions forts, nous n’étions pas menacés, nous n’étions pas soumis au chantage de l’IVD, et nous nous occupions réellement de la sécurité de l’Etat».
Le terrorisme est un et indivisible, c’est un ensemble de chaînons étroitement liés les uns aux autres, qui se complètent et se relaient. Croire que ce qui s’est passé lundi 29 octobre 2018 en plein centre-ville de Tunis est un acte isolé relève d’une grande naïveté, d’une ignorance manifeste du phénomène terroriste lié à des mouvements et des partis politique, ou pire -et si ce n’est pas déjà le cas- prouve un laxisme et un attentisme gravissimes de la part des décideurs.
L’assaillante connue pour ses penchants extrémistes depuis l’université, endoctrinée par un salafiste de Kébili et dont le beau-frère est lui-même salafiste, c’est alarmant et prouve sans équivoque des défaillances dans notre système sécuritaire.
Une femme, qui n’a peut-être jamais mis les pieds à Tunis qui y passe le week-end, choisit le lieu de l’explosion, d’ailleurs à distance pour tout juste créer une ambiance de peur et de terreur dans la capitale, ne peut agir sans qu’il y ait tout un plan de déstabilisation du pays ou encore une volonté de soumettre les Tunisiens à des chantages au pouvoir.
Les déclarations de nombre de leaders islamistes ne sont pas, en effet, pour calmer le climat sociopolitique en Tunisie ou porter des messages de paix et de tolérance. Lire et relire les sous-entendus des discours de Rached El Ghannouchi est très édifiant.
En effet, le président du parti Ennahdha veille à chaque fois à rappeler aux Tunisiens que s’ils veulent avoir la paix, ils doivent composer avec son parti et tout ce qui s’en suit comme tares.
Noureddine Bhiri a déclaré publiquement qu’Ennahdha dispose de 100.000 Kamikazes. Et tout récemment, Yamina Zoghlami, celle qui a fait partir un fiché S17 en France, a déclaré sur Radio Med (le 10 octobre) que les enfants des militants qui n’ont pas bénéficié des dédommagements pourraient se venger, citant à l’occasion le gouverneur de la BCT.
What else !
L’attentat du 29 octobre à l’Avenue Habib Bourguiba devrait nous interpeller à différents titres. Comme l’a signifié le président de la République en déplacement en Allemagne : «Nous pensions avoir jugulé le phénomène terroriste, malheureusement il est bien présent et agissant». Ce phénomène qui nous rappelle que des centaines si ce n’est de milliers de familles tunisiennes prêchant pour le djihadisme salafiste terroriste sont en dehors du contrôle de l’Etat qu’ils ne reconnaissent même pas, sont protégées par nous ne savons qui, vivent en toute sécurité et agissent en toute impunité.
L’opération a réussi, elle a atteint ses objectifs
Cet attentat nous prouve que malgré tous leurs efforts, nos services de renseignements amputés de leurs informateurs n’ont plus l’efficience qu’ils avaient aux temps où l’Etat existait.
Cet attentat prouve sans équivoque que les kamikazes dont ne cessent de nous menacer nombre d’Islamistes existent bel et bien et peuvent passer à l’acte à tout moment et partout dans notre pays. Cet attentat est aussi la preuve que les politiques adoptées jusque-là pour juguler le phénomène terroriste ont échoué et qu’il faut passer de la phase de lutte contre le terroriste à la volonté d’éradique ce phénomène quoiqu’il nous en coûtera !
Mustapha Saheb Ettabaa, ancien officié (Colonel major), déplore le déni de ceux qui tiennent le destin du pays entre leurs mains : «Le président de la République pensait que le terrorisme en milieu urbain était terminé ! Pour le chef du gouvernement, “ce n’est pas une opération réussie”… Le terrorisme n’a pas été éradiqué, au contraire il est actionné à chaque étape politique ou crise latente comme moyen de diversion pour susciter l’appréhension des Tunisiens et Tunisiennes. Pour nous obliger à revenir à “l’Union sacrée”, slogan d’une politique politicienne. L’Union sacrée ne peut exister qu’en donnant l’exemple et en tenant les rennes du pays. Quant à l’opération en elle-même, elle est réussie. Elle a atteint ses objectifs, à savoir la peur généralisée, le monde entier en parle. Ceci sans omettre que toutes les étapes de préparation et d’exécution n’ont pas été dévoilées. Le Recrutement استقطاب -, le choix de la terroriste المنفذ – la formation التدريب – le choix du lieu المكان, plein centre-ville, –le choix du timing en plein après-midi- choix de la cible الهدف. Tout cela a eu lieu dans une discrétion totale et une couverture logistique sans faille. Le déplacement ainsi que le logement à Tunis, la fourniture de l’explosif, certainement à Tunis. Donc le réseau fonctionne à pleins gaz et l’infiltration dans la foule avant explosion à distance dans la logique de menacer avant de perpétrer des attentats sanglants».
Et Mustapha Saheb Ettabaa d’interroger : «Quand allons-nous commencer à travailler sérieusement et ne pas penser aux prochaines élections ? Car les déclarations à l’emporte-pièce et répétitives ne nous avancent plus à rien face à un acte à prendre au sérieux et un nouveau mode d’action qui peut devenir répétitif».
«Je n’ai à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur», avait dit Winston Churchill le 13 mai 1940, dans son premier discours devant la Chambre des communes, après sa nomination au poste de Premier ministre du Royaume-Uni au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.
Il voulait dire que rien ne se fait sans sacrifices. L’Union sacrée imposée par BCE en 2014 pour assurer paix et stabilité à la Tunisie réussira-t-elle à éviter à notre pays le sang et les larmes ?
Amel Belhadj Ali