Contre l’idéologie takfiriste Destroy, la culture comme pare-feu ? L’avenue Bourguiba sert de labo à ciel ouvert, entre les deux projets. Laissera-t-on la possibilité au peuple de dire son mot?
Curieux destin que celui de l’avenue Habib Bourguiba. Ce lieu est devenu comparable à la place de la Bastille ou la Place rouge. Sa légende est en train de coller à notre histoire contemporaine. Tout concourt à en faire le lit de ce long fleuve, pas du tout tranquille, de la transition démocratique.
Du 14 janvier 2011 au 1er novembre 2018, l’avenue Bourguiba renvoie un streaming de la lutte pour la démocratie. Quel tumulte. La transition démocratique est mise à rude épreuve. De même qu’elle éprouve la patience du bon peuple. Comment empêcher qu’elle quitte sa voie ?
L’avenue Bourguiba : Terre de nos contrastes
L’avenue Bourguiba a servi de théâtre à la ruée populaire contre la dictature. Elle se retrouve de ce fait être la matrice de la démocratie.
Depuis, elle sert d’arène aux convulsions de la transition. Et voilà que lundi 29 octobre les takfiristes ont voulu la meurtrir. Leur dessein macabre consiste à en faire l’autel où ils veulent sacrifier la démocratie.
S’écartant de la modération musulmane, ils ont imité les païens et leur rituel d’offrande des vierges. Ils y ont explosé une jeune étudiante d’à peine trente ans. En lui ôtant la vie, pour leur seul bon plaisir, ils cherchaient à exaspérer la jeunesse et tenter de soumettre les Tunisiens.
Jeudi 1er novembre, Sihem Belkhodja, en pasionaria de la chorégraphie, la transforme en Bolchoi en y faisant danser une troupe de petites filles. Quel contraste. Les agités archéo entendent y mourir. Les patriotes viennent pour y célébrer l’hymne à la joie de vivre. Et c’est une riposte qui est tout aussi retentissante que la déflagration kamikaze.
C’est soft, mais c’est tout aussi prémédité. Il s’agit de donner la réplique au coup de baroud du désespoir. C’est un contre-projet et son onde de choc est tout aussi importante. Le premier acte a attiré la foule des gens qui compatissent mais qui dénoncent. Les tableaux ont attiré aussi une foule ravie, enchantée et qui espère dans la deuxième République.
Alors, des deux, qui l’emportera?
Le drapeau national comme tutu
Sihem Belkhodja sème à tout vent la culture de la vie. Elle s’y engage, avec foi et de toute bonne foi. Quel plaisir, que ce spectacle de ces jeunes créatures innocentes si heureuses d’exister, portant le drapeau national comme tutu. Cette tenue souligne l’aspect hideux de la burqua dont se drapent les takfiristes, comme linceul de vie. Quelle contradiction !
Les jeunes pousses sont le “pétrole de demain“, dit-on. On y souscrit. Ces jeunes pousses, avec pour seul bouclier de sécurité leur désir d’avenir, viennent nous rappeler que demain est un autre jour et que le pays n’est pas sans lendemain.
Elles s’opposent aux desperados pour leur hold-up sur la démocratie. En réalité, ces petites filles, qui servent de bouclier humain à la deuxième République, sont le cœur de cible de la démocratie. Ce sont elles qui feront la différence demain. Elles feront que l’Islam valide sa portée intemporelle, comme religion d’un monde qui change et d’un projet civilisationnel continuellement en marche.
Ailleurs, pour faire gagner la démocratie, on a dû écarter la religion. Nous n’aurons pas séparé foi et pouvoir. L’exhibition de ces jeunes pousses conforte la compatibilité de l’Islam et de la démocratie. Pour sûr que l’avenir leur appartient et la vie leur sourira. Leur combat est tout de grâce. Leur spectacle à l’avenue Bourguiba en est un tableau parlant et suffisamment expressif. Si seulement il servait d’acte final au show turbulent de la transition.