Jusqu’à fin septembre 2018, 686 imams prédicateurs auraient été limogés tandis que 1.300 autres auraient reçu, du ministère des affaires religieuses, des avertissements et des blâmes pour avoir tenu des discours apostasiants (takfiristes) menaçant sérieusement la concorde et la coexistence pacifique entre Tunisiens.

Apparemment, le pic des limogeages a eu lieu cet été, à l’occasion de la publication du rapport de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE), lequel rapport a donné aux imams takfiristes l’opportunité de donner libre cours à leur haine et aversion des libertés et de menacer de mort ses auteurs.

Pour revenir aux indications fournies ces jours-ci aux médias, par Fadhel Ben Achour, secrétaire général du Syndicat des imams et des cadres de mosquées, elles viennent illustrer la persistance dans le pays de la problématique de l’instrumentalisation des mosquées à des fins extra-religieuses.

Quatre facteurs à l’origine des dérapages dans les mosquées

Fadhel Ben Achour impute cette situation gravissime à quatre facteurs majeurs.

Le premier concerne le non respect, depuis 2011, des critères de compétence lors des recrutements des imams prédicateurs. D’après lui, seuls 34% d’entre eux ont un niveau universitaire. Le reste, 66%, ont un niveau d’enseignement primaire et secondaire, ce qui jette le doute sur leur maîtrise des questions religieuses et sur la crédibilité de leur prédication.

Le deuxième facteur a trait aux nominations des imams prédicateurs selon des critères de loyauté et d’appartenance à des partis politiques d’obédience religieuse dont Ennahdha.

Le troisième porte sur la modicité des rémunérations des imams prédicateurs, ce qui pousse les imams compétents à bouder cette profession.

Le quatrième consiste en le recours de certaines chaînes de télévision locales aux services de prédicateurs-animateurs influents se réclamant d’autres écoles de jurisprudence islamique (Fikh) extrémistes, telle que l’école Wahhabite.

Fadhel Ben Achour rappelle que la Tunisie, tout comme le reste de l’Afrique du Nord, se réclame du malékisme, une école ouverte et pluraliste, qui prêche les pratiques des premiers habitants musulmans de Médine (Amal ahl al-medina) comme source de la jurisprudence islamique (fiqh) et fait grand cas de la tradition du Prophète (hadiths), tout en prenant en considération l’intérêt général.

Pour une urgente réglementation du discours religieux

Tirant les enseignements de la persistance des dérapages des imams takfiristes dans le pays, le secrétaire général du Syndicat des imams et des cadres des mosquées appelle à une révision du discours religieux et à sa réglementation.

Nous pensons, pour notre part, que ces imams takfiristes n’auraient jamais osé manœuvrer avec autant de liberté que grâce au soutien politique et à la protection que leur fournit le parti Ennahdha, lequel se soucie peu de l’intérêt national.

C’est pour cette raison que nous estimons que pour en finir, la panacée serait tout simplement de séparer la religion de la politique et de l’instituer dans les lois. Au temps de Ben Ali, l’article 3 de la loi portant organisation des partis politiques en Tunisie indique clairement que : «un parti politique ne peut s’appuyer fondamentalement dans ses principes, activités et programmes sur une religion, une langue, une race, un sexe ou une région».

Il s’agit également de s’inspirer de lois promulguées dans ce domaine par les pays voisins (Maroc et Algérie).

A titre indicatif, le Maroc interdit, en vertu d’un Dahir (décret royal) aux imams de faire de la politique et d’appartenir à une instance politique ou syndicale durant toute la période de l’exercice de leurs fonctions dans les mosquées.

En somme, il s’agit de faire en sorte que la religion islamique, croyance commune à la majorité des Tunisiens, n’ait plus besoin d’intermédiaires, voire d’imams –souvent incultes- pour la défendre et que tous ceux qui entravent la loi et les nobles préceptes de l’Islam doivent être tout simplement sanctionnés et écartés, à la limite bannis.