Il incarnait l’une des plus grandes réussites d’alliance de l’industrie automobile des 20 dernières années. Il, c’est Carlos Ghosn, Pdg du groupe Renault qui, en 1999, avait “sauvé“ Nissan alors au bord du précipice.
C’est ainsi qu’est née l’Alliance Renault-Nissan, qui n’est pas un mariage mais un concubinage bâti sur le respect mutuel, avec deux grands principes fondateurs, explique Christian Mardrus, le directeur délégué à la présidence de l’alliance.
Mais depuis lundi 19 novembre 2018, Ghosn, ancien de Michelin qui certains surnommaient “cost killer“ (ou le tueur de coûts), est sous les verrous… au Japon, où le fisc du Soleil Levant l’accuse d’“avoir dissimulé au fisc nippon la moitié de ses revenus pendant plusieurs années“.
Depuis lundi donc, tous les médias du monde ou presque, notamment en France et au Japon, ne parlent que cette affaire, avec des points de vue différents.
Ainsi, le site francetvinfo.fr, citant des experts du secteur, écrit : «Ces révélations tombent à point nommé qui y voient un coup d’Etat orchestré par Nissan. Le fleuron de l’industrie nippone, qui pèse désormais plus lourd que son partenaire français, redoutait une intégration renforcée qui lui aurait fait perdre son indépendance».
Selon David Barroux, journaliste au quotidien Les Échos, explique que quand Carlos Ghosn est nommé à la tête de ce groupe, il n’hésite pas à mettre à la porte 21.000 salariés, puis la fermeture d’un site industriel, et la rupture des relations avec les fournisseurs historiques par le jeu de la concurrence. “Cette alliance repose sur un montage particulier, avec une participation croisée des deux entreprises. Renault détient 43,4% du capital de Nissan, et le japonais 15% du français“.
Autant dire que «Carlos Ghosn incarnait cette alliance, elle reposait sur lui», assure Frédéric Fréry, professeur de stratégie à l’ESCP Europe, cité par franceinfo. «Cette manoeuvre présente un double objectif: préserver l’indépendance des Japonais, sans les inféoder à Renault, et renforcer le rôle de Carlos Ghosn, “maillon fondamental” de cette alliance».
Mais l’appétit de l’alliance se renforce au fil des ans. Et absorbe, en 2013, le groupe russe Avtovaz. Trois ans plus tard, en octobre 2016, Nissan officialise la prise de contrôle à 34% de son concurrent japonais Mitsubishi Motors, rappelle Le Figaro.
Résultat des courses, en 2017, l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi (avec 470.000 salariés et 122 usines sur tous les continents) devient “le premier constructeur automobile mondial, avec plus de 10,5 millions de véhicules vendus dans le monde sur la seule année dernière“, dont 5,8 millions de véhicules pour Nissan, 3,7 millions pour Renault et de 1 million pour Mitsubishi.
Cependant, si au moment de la signature de l’alliance, en 1999, “Renault affichait une meilleure santé que son homologue japonais, près de 20 ans après, «Nissan frôle quasiment les 100 milliards de chiffre d’affaires et pèse presque deux fois plus lourd que Renault (58 milliards)», selon le journal Libération.
Pour revenir à cette affaire d’arrestation, il est également reproché au patron français d’avoir acheté des biens immobiliers (avec l’argent du groupe) au Liban et au Maroc.
En tout état de cause et jusqu’à preuve du contraire, le redressement opéré par Carlos Ghosn est salué au Japon, où «il Carlos il est vénéré, jusqu’à devenir un héros de manga, écrit Le Figaro.
Dans cet ordre d’idées, Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile, estime que “c’est véritablement lui qui a réussi à remettre le constructeur nippon sur les rails. Au Japon, personne n’a oublié finalement ce qu’il a accompli comme patron de Nissan. Son autorité, sa légitimité, n’ont jamais été mises en cause”. Jusqu’à aujourd’hui.