Le climat politique a empêché tout progrès économique, social et sécuritaire, a estimé Zouheir Maghzaoui, dirigeant du mouvement Echaab, lors des débats samedi en plénière de l’Assemblée des représentants du Peuple (ARP) sur la déclaration du gouvernement sur les projets de loi de budget de l’Etat et de la loi des finances 2019.
Rendant responsable “le système au pouvoir” des difficultés auxquelles fait face le pays, Maghzaoui a souligné que les gouvernements qui se sont succédés après la révolution “ne seront pas mentionnés par l’histoire car ils n’ont rien fourni aux Tunisiens”, indiquant que le peuple tunisien ne fait pas partie à la crise politique actuelle.
Il a vivement critiqué “la détérioration des valeurs politiques et le manque d’éthique de l’élite actuelle et des composantes du système de gouvernement”, évoquant à cet égard “l’enregistrement des entretiens et la diffusion des scandales entre les partis en conflit, ainsi que le phénomène de transfert des députés entre les blocs parlementaires”.
Le dirigeant du parti Echaab s’est déclaré favorable que le chef du gouvernement ait le droit de former un parti politique, mais l’a averti en retour contre l’usage du “potentiel de l’Etat pour servir son projet politique”.
“Les partis macroniens (faisant référence au parti du président français Macron) ne réussiront pas et la construction des partis doit être fondée sur des programmes et des valeurs”, a-t-il affirmé.
Pour sa part, le député du bloc du mouvement Ennhdha, Ahmed Machergui a appelé le chef du gouvernement à “œuvrer à consolider l’unité nationale”, ajoutant que l’exacerbation du conflit ne permettra pas de faire face aux défis.
Il a également critiqué la tendance à relever le seuil électoral à 5%, estimant que cela entraînerait l’exclusion des forces de gauche et des courants nationalistes du parlement aux élections de 2019, ce qui déstabiliserait l’unité nationale, à ses yeux.
La députée Hajar ben Cheikh Ahmed (bloc de l’Alliance nationale) a estimé que “la Tunisie est devenue un pays ciblé parce qu’elle est un Etat démocratique et qu’elle a réussi une transition pacifique”.
Elle a appelé au choix d’une personnalité nationale acceptable pour tous pour parachever le processus de justice transitionnelle dans le pays, critiquant à cet égard l’Instance Vérité et Dignité, dont la mission selon elle “a pris fin” et qui a “divisé des Tunisiens”.
La députée Chahida Ben Frej (groupe Ennahdha) a également évoqué l’existence “d’ennemis qui guettent la Tunisie laquelle vit une expérience unique en dépit de toutes les difficultés et de tous les défis”. Elle a appelé à faire prévaloir la voix de la raison et de la sagesse, à faire taire les conflits politiques et les surenchères, affirmant que pour écarter un adversaire politique il faut le faire à travers les urnes”.
Pour Ons Hattab (Nidaa Tounes) “contrairement aux personnes qui promeuvent la fin de la crise politique dans le pays après le remaniement ministériel, celle-ci a éclaté aujourd’hui avec l’UGTT, le mouvement Nidaa Tounes, le président de la république, l’opposition, l’administration, la démocratie et les institutions donatrices, et notamment avec la légitimité des élections de 2014”.
“Personne n’a le droit de contourner la volonté de l’électeur qui a attribué 86 sièges au Nidaa”, a-t-elle déclaré. Elle a estimé que “la conséquence du remaniement ministériel, qui a engendré une légitimité technique auprès de l’Assemblée des représentants du peuple est de voir le mouvement Ennahdha prendre le devant de la scène (politique)”.
Elle a réitéré que le mouvement du Nidaa ne participe pas au gouvernement et que son groupe parlementaire ne soutient pas le remaniement ministériel. Hattab a reproché au chef du gouvernement “sa négligence de n’avoir pas ouvert la porte des consultations avec le Nidaa avant le remaniement”.
Le député du même parti, Tarek Fetiti, a exprimé sa crainte pour l’avenir du pays, estimant que “la situation en novembre 2018 rappelle celle de novembre 2011, ou pire au vu tous les indicateurs, à un moment où la classe politique est préoccupée par la rhétorique et les luttes politiques”.
Ftiti a déploré également la situation dans l’administration tunisienne qui selon lui est “dominée par la loyauté et le népotisme”.