La réunion constituante du Conseil national du dialogue social se tient ce mardi 27 novembre à Tunis, réunion à laquelle prendront part, outre le chef du gouvernement, Youssef Chahed, les organisations nationales les plus représentatives aux yeux du ministère des Affaires sociales, en l’occurrence l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) et l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP).
Cette réunion tout autant que la composition du Conseil telle que prévue par le décret gouvernemental du 7 août 2018 relatif à la fixation du nombre des membres de cette instance sont qualifiées de «non constitutionnelles» et «d’illégales» par les autres syndicats, à savoir la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT), la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) et le Syndicat des agriculteurs de Tunisie (SYNAGRI).
La fronde des syndicats exclus
Dans un communiqué rendu public lors de la publication de ce décret, ces derniers syndicats ont «condamné les dispositions de l’article 2 dudit décret en ce qu’elles constituent une violation flagrante des principes de liberté syndicale et de pluralisme syndical instituées dans la Constitution de 2014».
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Ils estiment qu’en dépit du nombre important de représentants au sein du Conseil, ces dispositions favorisent une logique de représentation restrictive et excluante au détriment de la logique de la représentation proportionnelle en limitant la représentation des travailleurs à 105 membres, soit 35 membres pour le gouvernement, 35 pour l’UGTT, 30 pour l’UTICA et 5 pour l’UTAP.
De ce fait, la CGTT, la CONECT et le SYNAGRI estiment que cette composition ne favorise pas le dialogue inclusif… Elle exclut en revanche toutes les autres organisations professionnelles représentatives des travailleurs et des employeurs auxquelles «il devient ainsi interdit ou quasiment impossible d’exercer une représentation quelconque».
Perpétuation du monopole syndical
Avec cette composition, le ministère des Affaires sociales, estiment les syndicats exclus, perpétue la pensée unique d’antan et ses corollaires le monopole syndical et la discrimination à l’égard des autres organisations syndicales.
Pire, ils considèrent que ce décret contredit ouvertement les dispositions de la loi du 24 juillet 2017 portant création du Conseil national du dialogue social, plus particulièrement l’article 8 qui fait prévaloir expressément la logique du pluralisme syndical dans la composition de l’assemblée générale du Conseil.
Cet article stipule que cette assemblée se compose « … d’un nombre égal de représentants du gouvernement, de représentants des organisations les plus représentatives des travailleurs et de représentants des organisations les plus représentatives des employeurs dans les secteurs agricole et non agricole». Ce qui renvoie logiquement et juridiquement à l’existence d’une pluralité d’organisations les plus représentatives.
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Ils rappellent également que ce décret contredit en outre les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ratifiées par la Tunisie, s’agissant notamment de celles relatives aux libertés syndicales, la Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical (n° 87), et la Convention sur le droit d’organisation et de négociation collective (n°98).
La responsabilité constitutionnelle du gouvernement
Par-delà ces précisions juridiques rébarbatives et trop techniques, la question est de se demander sur les véritables raisons qui ont poussé, en cette ère de transition démocratique, le ministère des Affaires sociales à restreindre le nombre des représentants à ce dialogue.
Faut-il le rappeler : partout dans le monde, de telles structures consultatives doivent nécessairement s’ouvrir sur les propositions du plus grand nombre de représentants des employeurs et des travailleurs et non sur sa restriction ou sur la fermeture des portes du dialogue social à certains acteurs sociaux.
Avant que cette histoire ne devienne une affaire d’opinion publique, le gouvernement est appelé à assumer sa responsabilité politique et constitutionnelle et à réviser ce décret conformément à la Constitution qui institue de manière claire et sans ambages le pluralisme syndical.
Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, qui s’est dernièrement engagé à respecter la Constitution, gagnerait à saisir l’opportunité de participer à la réunion constituante du dialogue social pour remédier les choses et surtout recadrer son ministre chargé des Affaires sociales.
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