L’eau, le littoral et l’agriculture sont des questions prioritaires que les négociateurs tunisiens vont mettre en avant à la prochaine Conférence des parties sur le climat (COP24), qui se tiendra du 2 au 14 décembre prochain, dans la ville de Katowice, en Pologne.
Près de 30.000 délégués du monde entier, dont des chefs de gouvernement et des ministres responsables des questions d’environnement et du climat, participeront à cet événement qui prévoit d’adopter un ensemble de mesures pour mettre en œuvre l’Accord de Paris (2015).
Mohamed Zmerli, négociateur national et chargé du plan climat pour la Tunisie, revient, dans une interview accordée à l’agence TAP, sur ces priorités et sur le chemin parcouru par la Tunisie depuis l’accord de Paris.
Interview.
Quelles sont les priorités que la Tunisie va faire valoir au cours des prochains pourparlers climatiques?
La Tunisie va axer ses interventions, lors de la prochaine COP, sur la question des ressources en eau, l’adaptation du littoral et de l’agriculture aux changements climatiques et aussi l’énergie renouvelable. Elle ne va pas bien sûr négocier cette question d’une façon individuelle, mais dans le cadre des groupes régionaux.
Ce sont, par ailleurs, des soucis partagés avec la plupart des pays africains, avec lesquels, la Tunisie négocie, en bloc, pendant les sommets du climat, en plus du groupe des Etats arabes (22 pays) et du groupe des pays en voie de développement, le G77+ la Chine.
Je crois que le groupe africain qui compte 55 pays est le plus organisé et avec lequel la Tunisie partage la plupart des soucis, concernant la lutte contre le changement climatique.
Pour la conférence de Katowice, la Tunisie va aussi se joindre aux pays en voie de développement et ceux les plus vulnérables face aux changements climatiques. Ces pays vont focaliser sur la question du financement climatique, qui constitue le principal défi pour tous les pays africains.
Le financement des projets d’adaptation et d’atténuation des impacts des changements climatiques est, par ailleurs, l’un des éléments clés de la conférence de Katowice.
Cette conférence aura, par ailleurs, comme principal objectif de rendre plus opérationnels les mécanismes de financements internationaux et d’identifier des pistes pour la concrétisation des objectifs de l’Accord de Paris, à travers l’adoption du Paris Rulebook (Le Livret de Paris qui comprend les règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris).
Les pays africains ont besoin de financements pour investir dans des programmes d’atténuation et d’adaptation robustes. Ils ont également besoin d’assise scientifique et d’une bonne préparation aussi bien pour accéder aux financements que pour présenter des projets viables et convaincants de lutte contre les changements climatiques.
Quel est le chemin parcouru par la Tunisie depuis l’Accord de Paris?
La Tunisie avait signé l’Accord de Paris et déposé au secrétariat de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCUNCC) sa contribution nationale déterminée (NDC), qui comporte des objectifs précis.
Le pays s’engage, en ce qui concerne l’atténuation des gaz à effet de serre, à réduire de 41% son intensité carbone d’ici 2030 (l’intensité carbone désigne les émissions produites par 1.000 unités du PIB).
En ce qui concerne l’adaptation aux changements climatiques, la Tunisie a identifié les domaines prioritaires qui sont l’eau, l’agriculture, le tourisme et la santé. Elle envisage aussi de porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique de 4% à 30% d’ici 2030. C’est un objectif ambitieux et le pays est en train d’avancer sur cette voie.
Quel sera votre objectif pour la conférence de Pologne?
Notre objectif est avant tout de bien coordonner avec les groupes régionaux (Groupe Afrique, Groupes des Etats arabes, le Groupe G77+Chine). Il s’agit en particulier du groupe de l’Afrique avec lequel la Tunisie partage beaucoup de priorités et de politiques communes. Pour cela, la délégation tunisienne sera présente à tous les événements qui intéressent ce groupe à la COP24.
Le ministère de l’Environnement prévoit également d’organiser, en marge de la COP24, un événement parallèle sur le thème “la stratégie de la Tunisie pour une économie à bas carbone à l’horizon 2050” en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et la Coopération allemande (GIZ).
Il faut reconnaître que le continent africain, bien qu’il contribue le moins aux émissions globales des gaz à effet de serre, est l’une des régions les plus vulnérables aux changements climatiques.
Des dizaines de millions de personnes subissent, chaque année, les effets adverses des sécheresses, des inondations, des glissements de terrain, du stress hydriques, de l’insécurité alimentaire et d’autres effets secondaires du changement climatique. C’est ce qui nous invite, comme négociateurs africains, à faire part à la communauté internationale des défis auxquels fait face le continent et de demander un soutien technique et financier pour mettre en oeuvre des projets d’atténuation et d’adaptation climatiques.
Par ailleurs, la COP de Katowice sera décisive en ce qui concerne les questions de responsabilité et d’équité entre les pays développés et en développement, notamment en termes d’efforts de réduction des gaz à effet de serre.