Tout au long des 140 km de la route reliant la ville de Tataouine à la délégation de Dhehiba, le paysage dominant demeure celui de ces bidons blancs en plastique utilisés pour le transport des hydrocarbures de contrebande.
Des bidons sont entassés des deux côtés de la route près de gros véhicules et de camionnettes Isuzu, la plupart non immatriculés, qui font la navette vers le voisin libyen où les prix des hydrocarbures sont inférieurs à ceux pratiqués sur le marché tunisien.
Sur cette même route, les agents de la Garde nationale sont pourtant présents, et ont à plusieurs reprises demandé à l’équipe des journalistes TAP, en mission dans la région, de présenter leurs pièces d’identité.
Dans ce cas, on se pose la question de savoir comment un commerce illicite parvient a se développer au vu et au su des forces de l’ordre.
Une hémorragie pour l’économie nationale, déplorent certains experts et observateurs, la réalité dans les zones frontalières en dit autrement. La contrebande, ce phénomène qui n’a cessé de faire couler beaucoup d’encre, spécialement après la révolution de 2011, demeure d’actualité.
Pour Rached Hadded, délégué de Dhéhiba, “le taux de chômage à Dhehiba avoisine les 42%, soit le plus élevé dans tout le gouvernorat”. Mais, assure-t-il, un plan d’investissement est en train d’être mis en place pour booster le développement économique et social dans cette ville de 4.295 habitants répartis sur un territoire de 3.886 km2.
Un budget de 60 millions de dinars a été alloué, depuis 2015, à la région pour laquelle les autorités espèrent l’amélioration des conditions de vie de la population, ce qui ne manquera pas de séduire les investisseurs potentiels.
De gros changements sont aussi en cours sur le passage Dhehiba-Ouazen qui devraient aider à changer la donne pour beaucoup de commerçants de la région tant les importateurs que les exportateurs.
Mettre fin sinon minimiser le phénomène de contrebande et le commerce illicite est au top des objectifs tracés pour la zone frontalière qui avoisine le passage de Dhehiba-Ouazen.
Sur les 16 hectares, actuellement propriété de la municipalité de Dhehiba, des travaux d’élargissement du passage frontalier de Dhehiba-Ouazen sont en cours. Un budget de 950 millions de dinars a été alloué à ces travaux qui devraient ouvrir de nouveaux horizons pour profiter à tous.
“Les prestations de services aux passagers connaîtront une amélioration certaine des deux côtés de la frontière”, selon Nizar Chouat, lieutenant en charge du bureau de la Douane sur le passage de Dhehiba-Ouazen.
Les derniers chiffres, pour le mois d’avril 2018, recueillis auprès des services de la Douane révèlent que le taux d’avancement des travaux d’élargissement avoisine les 80%. La fin des travaux est prévue pour la fin du premier trimestre 2019.
Après élargissement, le passage couvrira dix couloirs de passage à l’aller et autant au retour. Le but est d’améliorer la fluidité de la circulation dans les deux sens et de minimiser le temps d’attente pour les véhicules des particuliers et des commerçants.
Côté export, la circulation des marchandises vers le voisin libyen est actuellement de près de plus de 2 milliards de dinars, selon un chiffre du Lieutenant en charge du bureau de la Douane sur le passage frontalier.
Les responsables régionaux rencontrés n’écartent pas que la zone frontalière est sujette à la contrebande, un vieux commerce illicite, pratiqué depuis l’époque coloniale.
“Attahrib”, appellation en arabe de la contrebande, a pris de l’ampleur avec la révolution de 2011 et l’instabilité de l’autre partie des frontières avec le voisin libyen.
Dans les pays du Sud comme ceux du nord, la pauvreté et le manque de moyens ont toujours engendré des conditions extrêmes. Narcotrafiquants, gangs et hors-la-loi de tous genres dictent leur loi.
Remada, Dhehiba, Tataouine et toutes les zones frontalières du pays sont souvent le lieu d’un trafic devenu chronique sinon épidémique, ce qui reflète la situation défavorisée de la région mais aussi une hémorragie dans le secteur économique.
Toutefois, une nouvelle aube commence pour le gouvernorat de Tataouine, une porte depuis longtemps ouverte sur cette zone de transit pour les voyageurs, le commerce transfrontalier et le trafic de tous genres.