“Quelque 185.617 affaires criminelles, tous délits confondus, ont été recensées au cours des dix premiers mois de l’année 2018, un chiffre qui pourrait atteindre le pic de 200.000 à la fin de l’année”, révèle le directeur général de l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), Néji Jalloul.
Dressant le bilan d’une étude réalisée par l’ITES sur le crime en Tunisie, à l’ouverture d’un séminaire sur la prévention du crime en Tunisie, tenu jeudi 29 novembre, Jalloul a rappelé que le nombre des affaires criminelles en 2017 s’est établi à 196.848 contre 173.070 en 2016.
Selon lui, 48% des détenus impliqués dans ces affaires sont des jeunes et 58% sont âgés entre 15 et 19 ans.
Le district du Grand Tunis se place en première position en matière de criminalité, suivi de de Sousse, Nabeul, Sfax et Tataouine, a-t-il ajouté.
“Ces chiffres sont à la fois inquiétants et alarmants et menacent la cohésion sociale et la sécurité du pays”, a-t-il alerté.
A ce propos, il estime urgent d’identifier des solutions efficaces pour lutter contre ce phénomène qui prend de l’ampleur en raison de plusieurs facteurs dont l’instabilité politique, économique et sociale, la détérioration du pouvoir d’achat, les discours haineux, le chômage, la pauvreté, la démission des parents et l’abandon scolaire (près d’un million d’enfants ont quitté l’école depuis la révolution et sont actuellement sans emploi et sans encadrement).
Dans ce contexte, Néji Jalloul a avancé une série de solutions qui, selon lui, pourraient remédier à cette situation.
Il propose la création des statuts de conseiller familial et d’éducateur spécialisé dans les quartiers chauds, en plus de la mise en place de cellules de suivi et d’encadrement éducatif dans les établissements scolaires.
Il propose également la création de services régionaux de la police judiciaire, le renforcement du système de surveillance par caméras, la mise en place d’une base de données commune entre les ministère de l’Intérieur et de l’Education, et la création d’un observatoire national de lutte contre le crime.
Tout en réclamant l’ouverture d’un dialogue national sur la prévention du crime en Tunisie, Jalloul juge important d’opter pour la réforme du système éducatif et du système de formation professionnelle et de se tourner de plus en plus vers les peines alternatives.
Présente à ce séminaire, la directrice de la coordination régionale auprès du ministère de l’Intérieur, Najet Jaouadi, a révélé que sur un total de 189.189 criminels recensés pendant les dix premiers mois de l’année en cours, 8.099 sont des récidivistes.
Tous les indicateurs sont en hausse : consommation et trafic de drogues, vols, agressions, migration irrégulière, violences, etc.
Quant au directeur du contentieux à la direction générale de la Douane, Ali Hedfi, il a fait état des liens étroits entre contrebande et terrorisme.
“La contrebande qui se limitait auparavant à de simples produits de consommation, touche désormais des produits dangereux comme les armes, la drogue,… “, a-t-il prévenu.
“Ce n’est plus les habitants des régions frontalières qui se adonnaient à la contrebande pour faire vivre leur famille. Ce phénomène s’est transformé en réseaux organisés financés par des gens fortunés et puissants”, a-t-il précisé.
Pour la présidente de l’Union nationale de la femme tunisienne, Radhia Jerbi, “l’inégalité dans l’héritage est aussi un crime contre la femme”.
Les chiffres sur la violence contre la femme ne reflètent pas la réalité, dans la mesure où un grand nombre de femmes refusent de dénoncer leurs conjoints ou leurs proches tandis que d’autres ne mesurent même pas l’ampleur de certains actes violents y compris le mépris, la négligence et la violence verbale.
“Les conflits conjugaux, les charges domestiques et autres facteurs empêchent la femme de progresser dans sa carrière professionnelle”, a -t-elle indiqué, faisant état également de la situation des employées mineures et de l’exploitation des femmes dans le secteur agricole (mauvaises conditions de travail et absence de couverture sociale, injustice dans la rémunération).
Organisé en partenariat avec la Fondation Konrad Adenauer Stiftung, le séminaire vise à sensibiliser l’opinion publique, les décideurs et les différents acteurs pour contribuer à la prévention du crime afin d’agir sur la masse de criminalité en Tunisie.