Sous le ciel clair d’une journée ensoleillée de cette fin de novembre, à Tataouine se dessine la face d’une réalité parfois sombre. Sur ce gouvernorat du Sud-est tunisien, se faufile un ciel brumeux et des horizons fermés d’un avenir incertain pour les gens déshérités, particulièrement les jeunes, des délégations frontalières.
La mission de TAP en déplacement sur le terminal frontalier Dhehiba-Ouazen fait escale au centre de la délégation Dhehiba puis celui de Remada.
Chef lieux des combats historiques de mai 1958 pour le départ du dernier soldat français, la ville de Remada a toujours gardé sa vocation d’une ville de transit. Une fois sur place, le visiteur est vite intrigué par ce rassemblement de jeunes autour de la salle de jeu sur l’Avenue de l’indépendance et ses portes délabrées, témoin d’un vécu pas du tout rose.
Sur le trottoir en face, Aziz Abdelhafidh en discussion avec ses amis, dégage une désespérance de vie. Plusieurs sont au chômage, les plus chanceux d’entre eux ont un travail saisonnier ou journalier qui leur permet de casser la routine d’un quotidien morose où s’estompe toute possibilité d’avancer.
Déjà 29 ans, diplômés en droit d’entreprises et affaires depuis 2011 et plusieurs diplômes de métiers en poche, Aziz n’arrive pourtant pas à se trouver un boulot stable, encore moins un boulot correspondant à ses qualifications académiques.
Ce jeune aux traits fins est parmi 5 frères, tous détenteurs de diplômes universitaires et dans divers métiers. “Aucun d’entre eux n’est embauché, mon père est en chômage aussi, le seul moyen de subsistance pour la famille demeure celui de métiers temporaires”, résume avec amertume Aziz.
Ce cas n’est pas unique dans cette délégation riche en pétrole. Au sit-in pacifique, en cours depuis près de 3 mois, sont rassemble des jeunes et moins jeunes de la région.
“Le ras le bol total des fausses promesses des responsables locaux et régionaux”, regrette Walid Abdelmoula, porte-parole du Sit-in baptisé “Sit-in de la dignité à Remada””. Il annonce une grève générale et une grande manifestation samedi 1er décembre. “Nous sommes décidés à aller encore plus loin, toujours avec tous les moyens pacifiques possibles”, souligne Walid.
Les jeunes de Remada crient “les pratiques discriminatoires qui nous privent des postes dans des secteurs clé, notamment dans les six sociétés d’exploitation pétrolières implantées dans la région”. Tous fustigent la bureaucratie et le désintérêt latent à répondre à leurs demandes et revendications incessantes.
Selon des chiffres officiels, sur cette région de 10173 habitants, le taux de chômage avoisine les 38 pc pour les détenteurs de diplômés supérieurs. Les jeunes filles sont largement plus nombreuses que les garçons avec 7,8%.
Le taux d’échec scolaire est de 11,5 pc alors que l’abandon scolaire est de 0,81%, ce qui constitue le second pourcentage au niveau régional à Tataouine, après celui enregistré à Dhehiba.
Dans ce gouvernorat en forme de triangle aux portes du Sahara et une zone frontalière avec la Libye et l’Algérie de 600 Km, le commerce est un secteur florissant.
A Tataouine, “la contrebande est morte”, affirment certains jeunes rencontrés pour lesquels la contrebande est parfois un recours obligé. Les mesures sécuritaires draconiennes leurs ont barré le chemin pour perpétuer cette activité.
Dans des cités où l’Etat est perçu comme démissionnaire, les plus démunis n’ont souvent pas assez de choix. Le besoin impose à certaines personnes à recourir à un plan de survie.
La pauvreté a façonné les choix de populations déshéritées poussées à leur destin incertain. Toute une mentalité héritée qui voit en la contrebande la seule issue, au moment où certain agriculteurs des délégations proches se plaignent du manque de la main d’œuvres locale.
Risquer sa vie pour une poignée d’argent, n’a jamais découragé les plus audacieux. Résultat, des pertes humaines qui depuis déjà 4 ans se comptent par une dizaine, uniquement à Remada.
” Onze passeurs ont trouvé la mort dans des courses poursuites avec les agents de la douane et de l’armée”, selon les sit-inneurs de Remada décidés à se trouver un boulot et des conditions d’une vie digne. Sans compter ceux qui meurent brûlés à bords de véhicules transportant des hydrocarbures. La vitesse excessive est derrière les accidents assez fréquents sur les routes peuplés de trafiquants de tout âge.