Pour cette 33ème édition des Journées de l’entreprise (7 et 8 décembre 2018), l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) a choisi d’engager le débat sur l’entreprise et les réformes de rupture, au vu de la détérioration des équilibres macro-économiques de la Tunisie.
Il s’agit de:
– Croissance en berne, passée de plus de 4% en 2012 à moins de 2,8% en 2018.
– Explosion du budget de l’Etat, qui est passé de 16 milliards de dinars en 2010 à plus de 32 milliards de dinars en 2018. essentiellement dans sa composante rémunération des fonctionnaires, qui représente aujourd’hui près de 15% du PIB et plus de 40% du budget.
– Le déficit de la balance commerciale s’est détérioré de 63,03% en 2018. Il s’est établi à 1,782 milliard de dinars en juillet contre 1,093 milliard de dinars une année auparavant.
– Productivité en baisse de 2,7%.
– Réserves en devises en dessous de 90 jours d’importation et flirtant maintenant avec les 70 jours.
– Recours à l’emprunt extérieur pour couvrir les besoins de fonctionnement et le remboursement des échéances antérieures, conduisant à un taux d’endettement qui est passé de 40% du PIB en 2010 à 70% en 2018.
– Pression fiscale de plus en plus lourde et qui dépasse les 21% en 2018 pour le secteur organisé, afin de combler les déficits.
Le rang du pays dans le classement du Doing Business est de 88/190 en 2018 et dans celui du Forum économique mondial (Davos) de 87/140 en 2018.
Des réformes structurelles significatives sont demandées par les bailleurs de fonds pour continuer de soutenir la Tunisie, considérée désormais comme un pays fragile dépendant de plus de ces bailleurs pour maintenir ses équilibres macro-économiques.
Pour répondre à ces demandes, certaines réformes ont été menées, avec des résultats mitigés. On a vu ainsi la mise en place d’un nouveau code de l’investissement, un début de rapprochement des statuts onshore/offshore, une nouvelle loi bancaire, une loi pour les PPP et d’autres mesures entreprises.
D’autres réformes sont actuellement débattues, même si elles n’ont pas encore beaucoup avancé. On parle ainsi de la réforme de la fonction publique, des caisses sociales, de la caisse de compensation et des entreprises publiques.
En revanche, d’autres réformes, pourtant nécessaires, sont aujourd’hui occultées, sous prétexte du risque qu’elles pourraient représenter au niveau des réserves de change, de l’équilibre social ou du déficit budgétaire. Il s’agit de tout ce qui touche à la réglementation de change, au marché du travail et à la pression fiscale.
L’entreprise, qu’elle soit privée ou publique, est ainsi appelée aujourd’hui à mieux performer dans un environnement où il est de plus en plus difficile de se mouvoir. Sous prétexte de préserver les réserves de change, on complique toutes les opérations en capital et même les opérations commerciales avec l’étranger.
Sous prétexte de préserver la paix sociale, on accepte de sacrifier productivité et valeur travail.
Sous prétexte de combler le déficit public, on accable l’entreprise d’impôts nouveaux et d’avances diverses et on tarde à rembourser les trop-perçus, sans réduire le train de vie de l’Etat.
Est-ce que la rigidité dans l’application des réglementations actuelles, le refus d’entamer des réformes sensibles permettra de maintenir la stabilité recherchée pour amorcer une relance de l’économie qui permettra d’envisager ces réformes ultérieurement?
Est-ce que cette rigidité, par le carcan qu’elle impose en particulier au secteur privé, seul à même de générer la croissance tant espérée pour faire sortir le pays de cette zone dangereuse, affaiblira le secteur privé formel au point de «tuer la poule aux œuf d’or»?
Existe-t-il des solutions de rupture, où ces reformes seront menées, sans nuire aux équilibres fragiles actuels, mais en permettant à l’Entreprise de trouver l’oxygène permettant la relance ?
La marge de manœuvre pour entamer ces reformes a toujours été réduite, mais elle s’est de plus en plus amenuisée au fil du temps.
Par peur de rompre des équilibres macro-économiques et sociaux fragiles, nous avons reporté à demain… et le risque d’une rupture brutale devient de plus en plus grand aujourd’hui.
Alors, faut-il continuer à maintenir une certaine rigidité pour passer le cap, en attendant que les choses s’améliorent ? faut-il procéder par petites touches en espérant que l’on enclenchera une spirale vertueuse ? Ou bien faut-il aller vers des solutions de rupture qui donneront une véritable impulsion nouvelle, au risque d’avoir un dérapage majeur si les choses se passent mal ?
Pour en débattre, la 33ème session des Journées de l’entreprise (7 et 8 décembre) sera organisée sous le thème : “L’entreprise et les réformes de rupture”.