La situation actuelle de protection rigide de l’emploi, tout en étant légale nuit à tous. Aller vers la flexisécurité profiterait à tous, soutient l’UTICA. C’est plausible, dit l’UGTT, et ce n’est pas une solution à écarter. Toutefois, il faut la négocier, en responsabilité et en confiance. Comment dès lors assainir le climat social?
Noureddine Taboubi use, en preuve d’apaisement de l’auditoire des Journées de l’entreprise, de son franc parler. Et de parler vrai. Certains dérapages peuvent être imputables à nos structures, rappelle-t-il. Des débordements revendicatifs sont à déplorer. Et je n’hésite pas à sévir. Vous commettez, vous chefs d’entreprises, des écarts. Notamment en matière d’évasion fiscale et d’atteintes aux droits des travailleurs. Le salaire moyen déclaré à la CNSS est de 400 dinars. Les entorses au droit du travail, tels certains abus en matière de licenciements, surtout envers les SIVP, sont insupportables. Elles pourrissent les rapports entre nous.
Abandonnez ces pratiques manœuvrières. Et le climat social s’en portera mieux. Malgré cette charge, contre les chefs d’entreprise, l’ambiance était à la concertation entre Noureddine Taboubi et des membres de l’UTICA, présents à la 33ème édition des JE, à El Kantaoui.
Les griefs et les contre-griefs
Il faut que la confiance règne entre nous, sinon rien, disait en substance Noureddine Taboubi, aux chefs d’entreprise. Les griefs de l’UGTT sont au nombre de deux, du moins pour les sujets principaux. Demander la flexibilité, a priori et sans l’engagement d’un comportement citoyen de la part des chefs d’entreprise, est une hérésie.
Les travailleurs et les chefs d’entreprise visent, en priorité, l’intérêt supérieur de la nation. Mais leur entente est conditionnée par le règne de la confiance. Chacun doit arrêter de suspecter l’autre et de l’accuser de tirer le drap vers soi. L’on doit cesser de camper des postures rivales.
L’UGTT s’obstine dans la revendication salariale. C’est exaspérant, soit. Expliquez-moi comment un travailleur peut joindre les deux bouts avec un SMIG à 370 dinars, s’exclame le SG de l’UGTT. Lier l’augmentation des salaires à la seule productivité du travail est illusoire. La productivité est à envisager sous l’angle de la productivité globale des facteurs. Les chefs d’entreprise sont tenus de moderniser leurs équipements et l’environnement du travail pour garantir une poussée significative de compétitivité. Et les deux centrales partagent cette attitude.
La flexibilité, on ne peut y aller sans un cadre légal obligatoire
Mohamed Amine Ben Ayed est un chef d’entreprise heureux. Il a pris un pari fou et il l’a réalisé. A la tête de Misfat, société de production de filtres à huile pour moteurs, il a engagé un marché avec l’industrie aéronautique à des conditions audacieuses. Il vendait l’unité de filtre à 1,12 pour un coût de production de 1,15. A l’heure actuelle son prix de vente a encore baissé à 0,97 centimes d’euros et son coût de production a été baissé 0,82 centimes. Il a pu renverser la situation grâce à des gains de productivité.
Auparavant il vendait un million d’unités, aujourd’hui il en vend plus de six millions. L’entreprise n’a pas lésiné sur les gratifications à l’adresse des travailleurs, et ces derniers ont accepté les relèvements de cadence. Les deux partenaires en sont sortis gagnants.
La flexibilité doit prouver qu’elle est un deal gagnant-gagnant
Présent aux JE, Harald Wiedenhoefer, SG de la Fédération européenne de l’agroalimentaire, disait avec détermination que la flexibilité, pour être négociée dans un climat serein, doit prouver qu’elle sert les intérêts des deux parties. On ne peut demander à l’UGTT d’aller vers la flexisécurité si on ne peut prouver que la flexisécurité va générer une amélioration des salaires. Qu’elle n’expose pas les travailleurs à de la précarité. Enfin, qu’elle améliorera leur employabilité leur garantissant des formations professionnelles qui les habiliteraient à des reclassements ou à de la réinsertion en cas de perte d’emploi. Cela d’ailleurs rejoint le contenu du contrat social tunisien établi en 2014 et non c en vigueur. Ce Contrat assortit la flexisécurité de la création d’une assurance chômage qui soit une prise en mains effective en cas de perte d’emploi.
Quid du pouvoir d’achat ?
L’UGTT est dans son rôle quand elle défend le pouvoir d’achat des travailleurs. Et sa verve revendicative se nourrit essentiellement de cette attitude. Auparavant les deux centrales se renvoyaient la balle. A chaque poussée d’inflation, l’UGTT demande un alignement salarial.
L’UTICA a fini par lui faire admettre que la progression du salaire ne peut s’aligne que sur les progrès de productivité. Elle ne peut compenser les défaillances du service public. Les mauvaises conditions du transport public, la flambée du prix du logement social. La mauvaise qualité de l’enseignement public, qui contraint les parents aux cours particuliers, chers et inutiles. La mauvaise qualité des soins dans les hôpitaux qui poussent au recours des cliniques privées tout cela doit être imputé à l’Etat. Et les deux partenaires sociaux conviennent en chœur que la chute de qualité des services publics ne doit pas être assumée par l’entreprise. L’état, ici, est pris en défaut. Et dira Noureddine Taboubi, c’est ce qui explique la charge continuelle de la classe politique contre l’UGTT.
Et quel sort pour les entreprises publiques ?
Noureddine Taboubi se défend de camper une attitude idéologique en matière de restructuration des entreprises publiques. A Tunisair, il reconnaît qu’un accord avait été signé entre l’UGTT et l’Etat tunisien pour un plan social visant 1.000 départs à la retraite. Il n’en a rien été, à ce jour.
La STAM a fait l’objet d’un plan de redressement et elle avait retrouvé la santé sauf que la TROIKA l’a chargée de 620 nouveaux travailleurs ce qui l’a fait replonger dans le rouge.
L’Etat ne doit pas se défausser sur le syndicat de ses propres turpitudes. Noureddine Taboubi dit être prêt à négocier la restructuration de cinq entreprises pour un programme pilote et ce sot : Tunisair, la Transtu, la RNTA, la STAM et enfin El Fouledh.
Pour cette dernière entreprise, il rappelle que le syndicat s’est opposé à sa reprise par un étranger qui arrivait les mains vides réclamant des crédits aux banques tunisiennes et une participation au capital à hauteur de 49% sans mise de sa part.
Noureddine Taboubi est favorable à la restructuration des entreprise publiques. Mais il est resté totalement muet sur l’éventualité de leur privatisation…