L’Instance Vérité et Dignité (IVD) bouclera le 15 décembre 2018 ses travaux.
A cette occasion, une conférence sera organisée les 14 et 15 décembre 2018, en présence de représentants du gouvernement et d’organisations de la société civile nationales et internationales.
Cette conférence sera ponctuée par la présentation du rapport final de l’Instance Vérité et Dignité qui dresse les défis du processus de la justice transitionnelle après la fin du mandat d’exercice de l’Instance et définit les responsabilités dans la mise en œuvre des recommandations issues du rapport.
En vertu de l’article 70 de la loi organique 2013-53, ” le gouvernement prépare, dans un délai d’un an, à compter de la date de publication du rapport global de l’Instance, un plan et des programmes de travail en vue de la mise en application des recommandations et suggestions présentées par l’Instance. Ce plan et ces programmes sont soumis à l’Assemblée chargée de la législation pour examen.
L’Assemblée des représentants du peuple contrôle la mise en œuvre des recommandations et du programme de travail de l’Instance à travers la création d’une commission parlementaire spécifique qui collabore avec les associations concernées pour mettre en œuvre les recommandations et propositions de l’Instance “.
Instituée en vertu de la Loi organique n°2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, l’Instance Vérité et Dignité est une instance indépendante de l’Etat, dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière et administrative.
Selon la loi en question, l’Instance a pour mission de révéler la vérité sur les exactions subies sous les règnes de Habib Bourguiba et de Zine El Abidine Ben Ali, de déterminer la responsabilité de l’Etat dans ces violations, d’en demander aux auteurs de rendre compte de leurs actes, de rétablir les victimes dans leurs droits et dignité, de préserver la mémoire collective et d’aboutir à la réconciliation nationale.
En vertu de l’article 67 de la loi sur la justice transitionnelle, l’IVD a l’obligation d’achever son mandat par l’élaboration d’un rapport final de ses travaux couvrant la période allant de 1955 à 2013 et d’avancer des recommandations de réforme destinées à renforcer le processus démocratique.
L’IVD : un légalisme qui dérange
Qualifiée par certains d’ ” hyper-institution au service de la justice transitionnelle en Tunisie ou encore d’ ” institution inclassable dotée de très larges pouvoirs “, l’IVD avait, à maintes reprises, provoqué des remous, particulièrement au sujet de la prolongation du mandat de son exercice qui devait initialement se terminer le 31 mai 2018.
Conscient de l’incapacité de l’Instance de mener à terme ses activités fin mai 2018, le Conseil de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) avait décidé en février 2018 la prolongation d’une année du mandat d’exercice de l’Instance, conformément à l’article 18 de la Loi organique sur la justice transitionnelle.
Le manque de collaboration de plusieurs institutions de l’Etat notamment en ce qui concerne l’accès aux archives publiques et privées, particulièrement celles de la police politique conformément aux dispositions de la Constitution, était selon l’IVD à l’origine de sa décision de prolonger son mandat d’exercice.
Le Parlement avait voté, le 26 mars 2018, contre une ýprolongation du mandat d’exercice de l’Instance Vérité et Dignité (68 contre et 2 abstentions).
Plusieurs députés notamment du bloc du Mouvement Ennahdha et du bloc démocratique avaient boycotté le vote.
Alors que plusieurs blocs parlementaires ont protesté contre la poursuite par cette Instance de ses activités malgré l’expiration de son mandat d’exercice, d’autres ont estimé que le parlement devait annuler sa décision de non-prolongation du mandat de l’IVD pour lui permettre de mener à terme ses enquêtes sur les graves violations des droits de l’homme.
En vertu de l’article 18 de la loi organique 2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, ” la durée d’activité de l’instance est fixée à quatre (4) années, à compter de la date de nomination de ses membres, renouvelable une fois pour une année, et ce, par décision motivée de l’Instance qui sera soumise à l’Assemblée chargée de législation, trois mois avant l’achèvement de son activité “.
Réhabiliter les ” victimes ” : à quel prix ?
Une autre controverse liée au processus de la justice transitionnelle a éclaté lors de la discussion en commission du projet de la loi de finances.
Il s’agit d’une proposition d’amendement qui prévoit la suppression du Fonds de la Dignité et de réhabilitation des victimes de la tyrannie et son remplacement par un Fonds dédié aux familles défavorisées.
Avancée par le Mouvement Nidaa Tounes, cette proposition a été rejetée, le 4 décembre 2018, par la commission de finances et invalidée par l’Assemblée des Représentants du Peuple lors de la discussion, le 8 décembre 2018, du projet de la loi de finances pour l’exercice 2019.
Opposé à ce Fonds, le bloc du Mouvement Nidaa Tounes a formé un pourvoi devant le Tribunal administratif au sujet du Fonds de la Dignité et de la réhabilitation des victimes de la tyrannie créé en vertu de la loi de finances pour l’exercice 2014 et qui prévoit l’indemnisation des victimes des violations et de la dictature.
Conformément aux dispositions de la Constitution et de la loi organique sur la justice transitionnelle, l’Instance ” Vérité et Dignité ” est appelée à soumettre les dossiers des violations graves des droits de l’Homme aux chambres judiciaires spécialisées et à définir les critères de réparation des victimes et du mode de versement des indemnités par le Fonds de la dignité et de la réhabilitation, avant la mise en place d’une commission de gestion de ce fonds et l’octroi des indemnités.
Un décret gouvernemental n° 2018-211 fixant les modalités d’organisation, de fonctionnement et de financement du Fonds de dignité et de réhabilitation des victimes de la tyrannie a été publié dans le 18e numéro du Journal officiel de la République tunisienne.
Créé conformément aux dispositions de l’article 41 de la loi organique n° 2013-53 du 24 décembre 2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et son organisation, le Fonds prévoit l’indemnisation des victimes des violations et de la dictature, conformément aux dispositions des articles 10, 11, 12 et 13 de la loi organique sur la justice transitionnelle.
Le budget du Fonds est composé en partie des recettes du Budget de l’Etat provenant des décisions établies par la commission d’arbitrage et de réconciliation de l’Instance Vérité et Dignité (IVD).
Les fonds alloués au Fonds de la dignité et de réhabilitation des victimes de la tyrannie dans le budget de l’Etat s’élève à dix millions de dinars.
Placée sous le signe ” L’IVD en fin de mandat : les résultats en débat “, la conférence de clôture des travaux de l’Instance ” Vérité et Dignité ” se veut une occasion pour faire le bilan des travaux de l’IVD et proposer les réformes nécessaires pour éviter toute récidive.
Le programme de la conférence prévoit huit sessions axées sur ” Le démantèlement du système despotique “, ” l’impact des violations sur les femmes, le couple et les enfants “, ” le démantèlement du système de corruption “, ” le système de propagande et de désinformation “, ” le programme global de réparations “, ” les lieux et actes de mémoire “, ” les réconciliations “, ” les réformes et garanties de non répétition ” et ” le rôle post-IVD de la société civile dans le processus de la justice transitionnelle “.