“En racontant le destin brisé de Fajria, c’est un appel que j’adresse aux femmes pour qu’elles se libèrent du jugement et du regard de l’autre et prennent ainsi leur destin en main”, a souligné la romancière Alia Mabrouk, lors d’une rencontre à la librairie Mille-feuilles à La Marsa (Banlieue nord de Tunis).
Paru aux éditions Arabesques, “Fajria, une vie” raconte le quotidien d’une femme de ménage “technicienne de surface” dans un lycée de La Marsa, son combat pour subvenir aux besoins de sa famille, ses rêves et ses déceptions.
Dans sa présentation, Alia Mabrouk a indiqué qu’elle a voulu rendre hommage dans ce livre à une catégorie de femmes, celles qui travaillent dans les champs ou dans les maisons, celles qui portent en elles “une culture d’observation et une intelligence sociale à la place du savoir académique”.
“Les personnages de mon livre sont inspirés d’histoires vraies”, a souligné Mabrouk qui précise que “Fajria c’est l’histoire de deux femmes de ménage que j’ai connues et côtoyées. Mounir est à l’image de plusieurs gamins dont les jambes ont été broyées par les rames du TGM suite à des jeux inconscients avec les portes des wagons. Même pour la scène du déterrement du corps de la mère par ses enfants est inspirée de l’histoire de l’un des frères de ma femme de ménage travaillant en Libye. Il n’a pas pu assister à l’enterrement de sa mère dès son retour, ce qui l’a poussé à la déterrer pour l’embrasser et lui faire un dernier adieu”.
La romancière a tenu par ailleurs à souligner que son livre n’a pas la prétention d’être un livre féministe mais il met en scène la complexité de la nature humaine au-delà de la question du genre.
Dans “Fajria, une vie”, la romancière dessine plusieurs vies et visages de la principale protagoniste. “Il y a Fajria la combattante, celle qui sort le matin pour aller travailler et rapporter un couffin le soir; Fajria, la femme qui se trouve confrontée à un mari qui ne correspond pas à son idéal; ou encore Fajria, la mère déçue; Fajria la rêveuse pour supporter son quotidien, elle rêve d’une vie meilleure”, a-t-elle expliqué.
Fajria est à l’image de ces femmes au destin brisé qui travaillent en silence pour leurs frères et leurs parents sans pour autant penser à elles-mêmes, a fait remarquer Alia Mabrouk, affirmant qu'”avec Fajria, c’est un appel que je lance aux femmes pour lutter contre le diktat social et oser vivre leurs vies en se libérant du regard et du jugement des autres”.
Lors de cette rencontre, un débat vif et animé s’est déroulé entre la romancière et une assistance majoritairement féminine mettant l’accent sur le poids socioculturel qui freine une émancipation totale des femmes en Tunisie, en particulier dans le milieu rural ou dans les quartiers populaires.