C’est avec sa légendaire intonation, la voix monocorde et le sourire charmeur que l’une des dernières stars de la télévision française a abordé, jeudi 20 décembre à l’ENA de Tunis, sa conférence-débat devant un public nombreux et hétéroclite composé de journalistes, avocats, médecins, hommes d’affaires et autres membres de la société civile…
Organisée par l’Alliance française, la conférence intitulée “Ethique en journalisme politique et libertés” a été l’occasion de discuter, deux heures durant, sur un sujet aussi passionnant que controversé, au moment où la question de l’éthique semble relégué aux oubliettes avec le règne impitoyable et anarchique des réseaux sociaux.
Avec un style très décontracté (blouson et pantalon jean), Patrick Poivre d’Arvor, puisque c’est de lui qu’il s’agit, aborde un sujet qu’il semble maîtriser à la perfection. Lui qui, 30 ans durant, a baigné dans les rouages du métier. Et aborde avec un brin de satisfaction sa longue et riche carrière.
“Les réseaux sociaux, c’est un déversoir de toutes les émotions, mais il faut savoir trier, c’est la base de notre métier. Non seulement il faut restituer en éliminant l’accessoire, mais il faut savoir recouper. Le recoupement et la vérification sont essentiels dans le métier de journalisme”, lance-t-il avec assurance.
Cela est d’autant plus indispensable qu’à l’ère de la rapidité (course devrait-on dire) de l’information, le journaliste devrait pouvoir dissocier le bon grain de l’ivraie pour ne pas tomber dans les chausse-trapes. Combien de journalistes ou de journaux se sont fait ridiculiser pour avoir repris, avec le sérieux requis, une rumeur infondée intentionnellement concoctée par certaines gens aux visées basses.
Relation entre éthique et auto-censure, quelle limite un journaliste doit-il se fixer pour divulguer une information sensible ? Quelle différence entre liberté d’expression et liberté de la presse ? Comment parler d’éthique quand des journalistes poussent la curiosité un peu trop loin ? Faut-il cacher certaines informations ? Comment pousser les politiques ou les grandes personnalités dans leurs derniers retranchements sans dépasser la ligne rouge ? C’est autant de questions qui ont été au centre d’un débat avec un public qui ne manquait pas d’aplomb.
Pour PPDA, le journaliste doit avoir “le sens de la responsabilité individuelle et collective”, malgré le dilemme quotidien des hommes du quatrième pouvoir qui sont souvent coincés entre les règles de concurrence -qui exacerbent la course folle à la primeur- et la nécessité de rendre compte d’une information juste et complète dans un temps relativement serré.
Un bon journaliste doit être un bon “équilibriste”: faire vite et bien, sans tomber dans la précipitation ou l’excès de prudence. Mais un bon journaliste se doit aussi d’être audacieux ! Et de l’audace, il faut dire que PPDA en a eu tout au long de son parcours, de son aventure. Une aventure à la tête du JT de TF1 qui s’arrêtera en 2008, laissant orphelins ses inconditionnels téléspectateurs qui ont mis du temps à avaler et à digérer l’amère pilule.
Mais la vie a continué. Le petit Patrick, dont le rêve était d’intégrer l’ENA et de faire carrière dans la diplomatie et l’écriture, n’a rien perdu. Loin de là. Grand écrivain devant l’Eternel, Patrick Poivre d’’Arvor a publié une soixantaine d’ouvrages, parmi lesquels Les Enfants de l’aube (1982), Lettres à l’absente (1993), L’Irrésolu (2000, Prix Interallié) et La Mort de Don Juan (2004, Prix Maurice Genevoix)…
Son dernier livre, “La vengeance du loup” sortira le 9 janvier 2019. Un livre qui nous plonge dans les arcanes du monde politico-médiatique français.