Dans les médias, divers briefings se font quotidiennement dans les salles de rédaction, sauf qu’en fin de compte la même information en continu est reprise partout. Dans un contexte mondialisé et largement envahi par les moyens de communication, l’éthique et l’impartialité de la presse sont confrontées à des situations extrêmes et des choix qu’ils seraient amenés à assumer.
Le journaliste et écrivain français, Patrick Poivre d’Arvor ou PPDA comme on le surnomme, figure emblématique du paysage audiovisuel francophone admiré durant 30 ans par ses téléspectateurs en France ou dans les pays d’expression francophone, donne son point de vue sur cette large thématique.
L’ex-vedette du JT de 20h sur Antenne 2 et TF1 était, jeudi 20 décembre, au siège de l’ENA (Ecole nationale d’administration) à Mutuelleville à Tunis, pour une conférence sur “l’éthique en journalisme politique et libertés” organisée par Alliance Française Tunisie.
Pour PPDA, le journaliste doit d’abord donner les différentes informations, toutes les informations sur le sujet, après c’est au citoyen de se faire sa propre opinion. Car pour un journaliste dans un grand média d’information, “il est important d’être le plus possible impartial”.
L’hôte français estime que notre métier est indispensable… “Vous journalistes, vous êtes indispensables car vous serez appelés à démêler de plus en plus souvent le vrai du faux”, lance-t-il aux journalistes tunisiens présents. Le journaliste français admet une grande liberté d’expression dans les médias en Tunisie “qui est un exemple sur le Continent”.
Autour de ce qu’il y a de plus grave dans le métier et le domaine des médias en général, PPDA cite le cas des fautes intentionnelles ou les fake news -une expression anglophone à laquelle il préfère l’appellation “fausses nouvelles intentionnelles”. Comme pour ses collègues en France, il appelle les journalistes tunisiens “à se méfier des fake news qui sont en train de serpenter dans le paysage politico-médiatique”.
Après avoir brièvement abordé l’actualité en France et les manifestations des “Gilets jaunes », il a parlé de ceux diffusant les fake news en faisant référence à des cas dont les enquêtes ont révélé l’existence.
Tout ceci se fait et se crée d’une manière très sciemment, pour cela il estime indispensable qu’il y ait des journalistes qui “interviennent sur les réseaux sociaux sans avoir besoin de prendre parti”.
Dans ce flot d’informations en continu, les séductions des politiciens face à l’éthique et l’impartialité de la presse, il déclare : “je préférerais une société ou un pays où il y a trop d’informations à un pays où il y a une seule source d’information”.
Autour de ce qu’il faut et ne faut pas informer les spectateurs, il évoque un souvenir alors qu’il était présentateur du JT sur TF1 qu’il dit avoir eu à se reprocher après l’annonce de l’avion français disparu des radars un certain 19 septembre 1989. Il rappelle un acte terroriste dans lequel 170 passagers à bord ont trouvé la mort et se reproche “un délit de décence” et de l’avoir annoncé aux familles des victimes avant qu’ils l’apprennent autrement.
Ce genre de scoop est assez courant aujourd’hui, mais “ce n’est pas indispensablement de mon avis d’annoncer des choses tout de suite”. PPDA préconise l’adoption d’une certaine retenue qui émane de “l’éthique même si le journaliste ou le média dispose d’une source crédible”.
Dix ans déjà qu’il n’est plus au JT, son regard sur le journalisme a vraisemblablement “évolué pour quelqu’un qui ne se voit plus directement acteur et éventuellement consommateur”. Il admet ne plus suivre les JT car tout simplement il voulait prendre du recul, et pendant le recul il dit avoir “mieux compris”.
Fort d’un atout humain et de cette “intuition” qui l’avait aidé à mener une carrière assez longue et d’être aux commandes du JT, PPDA a toujours mis en considération l’impact de l’information sur le récepteur. Son secret est pourtant simple : “j’essaye toujours de me mettre à la place de l’auditeur ou du téléspectateur, ça m’intéresse beaucoup…”.
Il dit toujours se poser les questions et penser à ce que le téléspectateur puisse imaginer et penser, sauf qu’il s’agit là d’une “attitude professionnelle qui n’est pas adoptée par tous les journalistes”.
De ses interviews de chefs d’Etat, il retient qu’il lui fallait toujours combiner entre une certaine “délicatesse et impertinence qui parfois frôle l’insolence”. Ceci lui avait alors valu le reproche de la part de “trois présidents de la République…”. Il estime “important de savoir les titiller”. L’attitude du journaliste face à de puissants interlocuteurs, il l’estime “assez importante pour que les téléspectateurs puissent avoir confiance en nous”. Et pourtant, “Ça reste un métier formidable, capital très important qui peut irriguer les opinions…”, reconnaît l’écrivain.
Cependant, il soulève la question d’objectivité, disant qu’”on n’est évidemment pas objectifs, on est toujours subjectifs”. En tant que journaliste qui a servi dans l’audiovisuel public et privé, il voit qu’on est tous “faillibles à une couleur qui peut nous faire reconnaître, mais l’essentiel c’est d’essayer d’aller vers le plus possible d’indépendance“.
Pour les médias des groupements économiques puissants, PPDA clarifie que “c’est toujours une grande erreur de penser que le patron du groupe dicte la ligne éditoriale à la rédaction, parce que les journalistes sont beaucoup plus indépendants qu’on l’imagine… Les interventions des patrons sont souvent contre-productives”.
Il estime que c’est toujours “un fantasme de penser que ce sont ces gens qui font l’information. L’information se fait par elle-même, ce qu’on appelle le main streaming… Tout le monde se copie”.