N’en déplaise au président du mouvement Ennahdha, ses chances de s’asseoir un jour dans le fauteuil présidentiel apparaissent négligeables, voire nulles. Explications.
Ghannouchi for President ? Rares sont celles et ceux, en plus de l’intéressé lui-même et d’un petit cercle autour de lui, qui savent aujourd’hui si Rached Ghannouchi va ou pas se présenter à la prochaine élection présidentielle. Une chose est néanmoins claire : le président du mouvement Ennahdha garde l’option ouverte. Dans une de ses interviews à un quotidien de la place à l’été dernier, il n’a pas fermé la porte à une éventuelle candidature. Et des membres de sa formation se relayent régulièrement pour abonder dans le même sens. Même s’ils le font différemment –probablement selon qu’ils soient favorables ou pas à un tel scénario.
Mercredi 9 janvier 2019, Samir Dilou, député d’Ennahdha, a déclaré que «la candidature de Rached Ghannouchi n’est pas encore confirmée» puisque «le mouvement n’en a pas encore discuté». Deux jours plus tôt, sa collège à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), Yamina Zoghlami, a affirmé que «Ghannouchi est notre candidat à la présidentielle».
Le cas échéant, quelles seraient les chances du leader islamiste de s’asseoir dans le fauteuil présidentiel ? Fort probablement négligeables, voire nulles. Pour diverses raisons.
Et ce n’est pas le troc de son ancien et austère look du «parfait» islamiste pour une apparence plus moderne qui pourrait y changer quelque chose
D’abord –et il s’agit du paramètre le moins maîtrisable dans cette équation-, il n’a pas la gueule de l’emploi. C’est-à-dire le charisme, l’ingrédient essentiel –même s’il n’est pas suffisant- de la «potion» présidentielle. Et ce n’est pas le troc de son ancien et austère look du «parfait» islamiste pour une apparence plus moderne qui pourrait y changer quelque chose. “L’habit ne fait pas le moine“, dit-on.
Ensuite, une autre qualité –essentielle celle-là- fait défaut au président d’Ennahdha : l’acceptabilité. C’est-à-dire le fait, sinon de susciter une certaine adhésion d’un nombre non négligeable de Tunisiens, du moins de ne pas en braquer une bonne partie. Or, dans ce domaine aussi, Ghannouchi est très mal loti.
alors qu’Ennahdha est toujours crédité de la première ou de la deuxième place aux législatives, son président n’apparaît pas parmi les présidentiables
Depuis que les sondages politiques ont fait leur apparition en Tunisie après le 14 janvier 2011, ils révèlent tous et régulièrement le même paradoxe : alors qu’Ennahdha est toujours crédité de la première –c’est le cas aujourd’hui- ou, au pire, de la deuxième place aux législatives, son président se trouve au plus bas de l’échelle et n’apparaît pas parmi les présidentiables.
Rached Ghannouchi ne ferait pas le plein de voix au sein de son propre camp lors d’une présidentielle et il est beaucoup plus détesté que son parti parmi les Tunisiens.
Ce qui amène à une double conclusion : Rached Ghannouchi ne ferait pas le plein de voix au sein de son propre camp lors d’une présidentielle et il est beaucoup plus détesté que son parti parmi les Tunisiens.
On ne voit donc pas par quelle baguette magique il pourrait, en quelques mois, inverser la courbe et devenir assez populaire pour pouvoir caresser le rêve d’entrer au Palais de Carthage non comme visiteur mais en tant que «locataire» pour cinq ans.
En sautant le pas de la candidature, le chef du parti islamiste rendrait donc un très mauvais service à son parti. Car Ghannouchi ne jouissant pas en son sein d’un soutien unanime, il pourrait le diviser. A moins que la manœuvre –un art dans lequel le président d’Ennahdha excelle- n’ait un but inavoué et inavouable : se donner un atout supplémentaire à utiliser dans le cadre des négociations en cours avec son pire «ami», le président Béji Caïd Essebsi, en vue de décider de l’avenir de leurs relations, à court, moyen et long termes.