Fruit d’un découpage administratif opéré au lendemain de l’accession du pays de l’indépendance, le gouvernorat de Jendouba, de son vrai nom “Souk El Arbaa“ jusqu’au 30 avril 1966, est situé au nord-ouest de la Tunisie. Après avoir été marginalisée à dessein des décennies durant, cette région a décidé de compter sur elle-même. Une nouvelle tendance développementale est en train d’y prendre forme.
Encadrés par des ONG de la société civile, les habitants de ce gouvernorat sont de plus en plus enclins à abandonner les discours stériles de victimisation et de marginalisation d’antan et de se mobiliser pour des projets structurants viables. L’accent est mis sur la valorisation de l’ouverture de la région sur la mer et sa frontière avec l’Algérie à des fins particulièrement touristiques.
Dans cette optique, l’ONG jendoubienne «20-50» vient de révéler les grandes lignes d’un ambitieux programme multiforme pour le développement de la région à l’horizon 2050. Ce programme sur lequel elle a travaillé toute une année, se propose de valoriser les ressources naturelles de la région : littoral, forêts, barrages, agriculture, substances utiles…
Les habitants de cette région tiennent surtout à tirer profit des externalités positives de leurs ressources en transformant tout sur place et en encourageant les ressources humaines de la région à se sédentariser.
Parmi les propositions formulées, figure la diversification des produits touristiques. Un intérêt particulier sera accordé à plusieurs produits : tourisme balnéaire, tourisme thermal à Hammam Bourguiba, tourisme de montagne à Ain Draham (téléphérique, chasse…), tourisme golfique, tourisme lacustre autour des barrages à Ben Metir et à Fernana, tourisme agricole à Bousalem, Jendouba, Ghardimaou, Oued Meliz, Sidi Bechir, Bousalem, Balta…
Des croisiéristes à Tabarka, c’est possible
Point d’orgue de ce programme, la proposition d’agrandir le port de Tabraka afin qu’il puisse recevoir des bateaux de croisière. Les croisiéristes pourront visiter, au moindre coût, les sites archéologiques dont engrange la région, particulièrement les prestigieux sites de Bulle Ruggia, Chemtou, la route du marbre et, à quelques dizaines de plus, Dougga, Maktaris, le Krib, Le Kef, la Table de Jugurtha…
Toujours à Tabraka, le programme prévoit également un métro entre la zone touristique et le centre de la ville. A un certain moment, les «tabarchinis» parlaient du «Lézard vert» -un train à vocation touristique qui devait utiliser un tronçon ferroviaire abandonné entre Tabarka et Ouchteta.
Et pour ne rien oublier, le programme prévoit la valorisation du théâtre international de Tabarka pour y organiser régulièrement des manifestations d’envergure internationale à même d’attirer les touristes algériens et autres (festival du Jazz, du Rai…).
Valoriser la frontière
Pour améliorer l’attractivité touristique de la région, les Jendoubiens ne cogitent, ces temps-ci, que du projet du tronçon autoroutier Bou Salem-frontière algérienne. Ce projet est très attendu par ces communautés car il devrait, une fois réalisé, les désenclaver définitivement et les mettre, pour la première fois, dans la lumière de l’Histoire.
Pour mémoire, l’étude de faisabilité technico-économique du projet élaborée par le bureau d’études STUDI est fin prête, depuis septembre 2016. L’avant-projet de cette étude, disponible sur le site du ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire (www.equipement.tn), au chef-lieu du gouvernorat de Jendouba, aux bureaux des structures régionales de l’équipement, des municipalités et délégations concernées (Bousalem, Bulla Ruggia, Fernana, Ain Elbaya…), a été présenté, en octobre 2016, au public, particulièrement aux parties concernées pour émettre leurs suggestions et objections.
Une zone franche Ain-Draham-Tabarka pourquoi pas ?
Toujours au sujet de la valorisation de la frontière avec l’Algérie, Wahid Brahim, ancien directeur général de l’Office national du tourisme, propose la création d’une zone franche «Ain Draham-Tabarka».
Wahid Brahim, qui s’exprime dans son livre «Le tourisme tunisien : jeux de mots, jeux de maux», y voit une solution radicale pour rentabiliser, à moindre coût, ces deux beaux sites qui n’arrivent pas à s’imposer comme stations suffisamment attractives, en dépit des lourds investissements consentis, des décennies durant (aéroport, port de plaisance, festival de jazz subventionné, golf de 18 trous, théâtre de plein air…).
L’auteur se réfère, à ce sujet, à la principauté d’Andorre, zone enclavée entre la France et l’Espagne et considérée comme un paradis fiscal, parce qu’elle pratique une fiscalité légère et ne lève ni TVA ni impôt sur le revenu ou sur la fortune, l’essentiel des ressources de l’Etat provenant d’un impôt sur les importations.
L’économie de cette principauté repose principalement sur deux formes de tourisme : le tourisme de passage qui profite des prix plus bas qu’en Espagne ou en France (tabac et alcool 2,5 fois moins chers qu’en France) et le tourisme blanc (neige), qui, tout en profitant de ces quelques avantages tarifaires, vient surtout pour l’offre des sports d’hiver.
Pour revenir aux stations Ain Draham-Tabarka, Wahid Brahim recommande une animation non stop (diurne et nocturne). A ses yeux, après «le fiasco culturel et touristique qu’a connu cette station (échec du festival de jazz, pourtant le seul festival subventionné, un théâtre de plein air à l’état de carcasse en béton et une image de marque écornée pour longtemps), «la solution serait dans le retour à l’esprit initial d’un festival ouvert et gratuit, dans la spécialisation d’un genre (le jazz) et le non recours aux plateaux trop coûteux. En somme, un retour à la simple fête dans la rue…).
Quant à la clientèle, l’auteur pense que «toute la population européenne et algérienne voisine y affluerait pour bénéficier des avantages de la vie et du shopping hors taxes». Selon lui, avec cette mesure, la région deviendra un «must» à la mode, le tourisme y connaîtra une relance durable et l’aéroport international sera rentabilisé.
Autre solution proposée pour rentabiliser la station Ain Draham-Tabarka, l’option sans ambages pour la saisonnalité. A ce propos, l’auteur du «Tourisme tunisien, jeu de mots, jeu de maux» écrit : «puisque les avantages climatiques sont moins évidents qu’ailleurs, il faut se résoudre à recourir à une exploitation saisonnière, à l’instar des autres destinations balkaniques, françaises, italiennes et espagnoles. Vus sous cet angle, les nouveaux investissements hôteliers deviendront moins onéreux. On n’aura plus besoin d’offrir un confort hivernal pour une exploitation exclusivement estivale et de subir en conséquence l’extrême lourdeur des charges d’exploitation».
A suivre : Tendances régionales – Le Kef : Siccavenéria et le phosphate pour booster le développement de la région
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