Des experts tunisiens et étrangers ont convenu, lors d’une rencontre scientifique tenue vendredi 25 janvier à Tunis sur le thème “La Constitution à l’épreuve de la politique : 5 ans après la promulgation de la Constitution du 27 janvier 2014” de l’impératif de respecter et d’appliquer la Constitution avant de procéder à son amendement. Ils ont insisté sur le parachèvement de la mise en place des instances constitutionnelles.
Ce forum, qui a notamment réuni experts tunisiens et étrangers du droit constitutionnel et des personnalités politiques, tente d’apporter des réponses à plusieurs questions relatives à la Constitution, dont l’application du texte constitutionnel dans la réalité politique tunisienne.
Dans une déclaration de presse, l’ancien président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), Mustapha Ben Jaafar, a appelé au respect de la Constitution de 2014 avant de penser à son amendement. Selon lui, la crise en Tunisie n’est pas d’ordre constitutionnel mais plutôt politique avec des répercussions économiques et sociales. “Les responsables politiques font porter le chapeau à la Constitution et en font leur bouc émissaire”, regrette Ben Jaafar.
Il considère également considéré que le blocage qu’a connu la Tunisie en 2018 est le résultat des tensions dans la relation entre les deux têtes de l’Exécutif (la présidence de la République et celle du gouvernement), lesquelles auraient pu être dépassées si la Cour constitutionnelle avait été mise en place.
L’ancien de l’ANC insiste sur le fait que la Constitution n’est pas responsable de la chute du dinar, ni de l’inflation ou encore du surendettement.
Ben Jaafar appelle à rompre avec l’irrespect de la loi et à l’urgence de compléter la mise en place des instances constitutionnelles. Il est possible ensuite, selon lui, d’appeler les forces politiques et civiles à un dialogue sur l’amendement de la Constitution, loin des tiraillements.
Dans le même ordre d’idées, le président de la Commission de Venise, Gianni Buquicchio, a mis l’accent, dans son intervention, sur l’impératif d’ouvrir la voie à l’application intégrale de la Constitution et au respect de ses principes avant de penser à son amendement.
Il estime que la consécration de la démocratie est un exercice quotidien et continue, décrivant par ailleurs la Constitution tunisienne de ” texte composite ” puisqu’elle a été élaborée avec la participation de la société civile contrairement aux Constitutions imposées de l’étranger.
La professeure d’Université et ancienne ministre de la Justice allemande, Herta Dübler-Gmelin, a attiré elle aussi l’attention sur l’importance d’œuvrer en faveur de la mise en place de la Cour constitutionnelle notant que la Constitution tunisienne condamne l’impunité et soutient les victimes de l’autoritarisme.
Dans sa déclaration à la presse, le professeur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, Wahid Ferchichi, s’est dit étonné par les appels à la révision de la Constitution qui n’a pas eu le temps d’être appliquée dans son intégralité. Selon lui, il faut attendre deux voire trois législatures avant d’envisager l’amendement du texte.
Le forum scientifique se tient à l’occasion du Vème anniversaire de la promulgation de la loi fondamentale de janvier 2014. Il est organisé conjointement par l’Association pour la recherche sur la transition démocratique, l’Observatoire tunisien de la transition démocratique et le bureau de la Fondation Friedrich Ebert à Tunis.