La séance plénière extraordinaire organisée lundi 28 janvier au Bardo à l’occasion du 5e anniversaire de l’adoption de la Constitution a été l’occasion d’écouter plusieurs interventions sur les conditions de l’élaboration de la Constitution.
Ainsi, dans son intervention intitulée “Vision et méthode”, Habib Khedher, rapporteur général de la Constitution et député à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), a indiqué que “la Constitution de la révolution est la 3e dans l’histoire du pays et constitue un couronnement de la révolution de la liberté et de la dignité”. Le mouvement révolutionnaire avait réclamé l’élection d’une Assemblée nationale constituante (ANC) dès les premières élections législatives intègres et transparentes, souligne-t-il.
Le ton a été donné à partir des premières séances le 22 novembre 2011 avec la mise en place des instances provisoires ainsi que le règlement intérieur, a-t-il rappelé.
Selon Khedher, en raison du passé militant de plusieurs membres de l’ANC, il a été convenu de limiter les attributions du pouvoir exécutif et de confier certains domaines sensibles à des instances indépendantes de manière à rompre avec la centralisation du pouvoir qui a engendré un déséquilibre flagrant.
Pour sa part, Farida Laabidi, présidente de la Commission des droits et libertés à l’Assemblée nationale constituante et députée à l’ARP, dira dans son intervention sur “le renforcement de l’Etat de droit et des libertés” que la Constitution de la Révolution a œuvré pour l’institution de l’Etat de droit et des libertés tant au niveau de la forme que du contenu et a comporté des garanties de leur protection.
Il était plus important, d’après elle, d’instituer le principe de non violation des droits et libertés que de les énumérer, rappelant que la Constitution de la deuxième République a consacré tout un chapitre, qui comporte 29 articles, aux droits et libertés.
Elle a, par ailleurs, souligné que la Constitution comporte de nombreux avantages dans le domaine des droits et libertés. “Afin de garantir la consécration de ces droits, le Parlement a adopté plusieurs lois, dont notamment la loi sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et la loi sur l’accès à l’information”, a-t-elle tenu à souligner, citant les amendements apportés au Code de procédure pénale, exigeant notamment la présence d’un avocat lors des interrogatoires, et à la loi électorale.
Omar Chtioui, président de la Commission des pouvoirs législatif et exécutif et des relations entre eux à l’ANC, a, lui aussi, rappelé que la Constitution de 2014 a opté pour un régime politique mixte qui permet aux deux têtes de l’exécutif (présidence du gouvernement et présidence de la République) de partager le pouvoir. Le but étant d’éviter le retour à la dictature et le risque de la concentration du pouvoir entre les mains d’une seule personne, qu’elle soit le président de la République ou le chef du gouvernement.
Mohamed Fadhel Ben Moussa, président de la Commission de la justice judiciaire, administrative, financière et constitutionnelle à l’ANC, a évoqué la question de la concrétisation de la Constitution, entre acquis et défis. Pour lui, la Constitution a été élaborée par l’ANC mais avec la contribution des représentants de la société civile, de partis et d’organisations ainsi que des experts et juristes.
Il a souligné que la concrétisation de la Constitution doit se faire sous la supervision de la Cour constitutionnelle. “Il est inutile de prétendre que la Constitution est la cause de la situation politique actuelle, dès lors qu’elle a été élaborée avec la participation de plusieurs parties parmi les modernistes et les conservateurs”.
Mongi Rahoui, ancien député à l’ANC et actuel député à l’ARP, a indiqué, dans une intervention sur “les droits économiques et sociaux à la lumière de la Constitution de 2014”, que la Constitution comporte plusieurs droits économiques et sociaux. “Il existe, cependant, un fossé entre ce qui est écrit et les conditions de vie difficiles des citoyens”.
Pour étayer ses dires, Rahoui cite à ce propos l’article 136 de la Constitution qui stipule qu’une part des revenus provenant de l’exploitation des ressources naturelles peut être consacrée, à l’échelle nationale, en vue de la promotion du développement régional.
Evoquant les Constitutions tunisiennes à travers l’histoire, notamment la Constitution de Carthage, le Pacte fondamental de 1861, la Constitution de 1959 et celle de janvier 2014, l’historien Hassine Fantar a relevé que certains articles de la Constitution de 2014 ne sont pas encore mis en application dont celui relatif à la Cour constitutionnelle.