Depuis des semaines, la crise de l’enseignement secondaire ne cesse de s’accentuer. Des enseignants boycottent les examens depuis le premier trimestre en réponse à l’appel de la Fédération générale de l’enseignement secondaire relevant de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et les cours sont suspendus dans plusieurs collèges et lycées secondaires puisque les élèves aussi protestent et revendiquent leur droit à un bulletin de note. Le ministère n’arrive pas, quant à lui, à trouver une solution à la crise.
Le sujet suscite une grande polémique dans tous les milieux notamment sur les réseaux sociaux où les communiqués, les déclarations et les accusations se multiplient de toutes les parts sans qu’une solution ne soit trouvée. Certains qualifient ce qui se passe de “crime contre des adolescents” à la fleur de l’âge, censés être pleins d’optimisme et qui sont aujourd’hui dans le désarroi.
En effet, après le boycott des examens de fin du premier trimestre, la Fédération générale de l’enseignement secondaire a décidé de boycotter tous les examens du deuxième trimestre jusqu’à la satisfaction de ses revendications relatives essentiellement à l’augmentation de la prime spécifique de 150 dinars par mois et la baisse de l’âge de la retraite à 57 ans et 32 ans de service, outre le doublement des primes de la rentrée scolaire (360 dinars actuellement) et du baccalauréat (45 dinars actuellement).
Ces revendications bien que considérées légitimes par la majorité des enseignants du secondaire, un grand nombre de professeurs refusent catégoriquement d’adhérer au boycott des examens et estiment que les élèves n’ont pas à être mêlés dans ces mouvements de protestation qui menacent aujourd’hui l’avenir de toute une génération.
Une année blanche signifie le statu quo
“A quoi serviront les augmentations si on détruit toute une génération ?”, s’interrogent plusieurs enseignants du secondaire.
“En raison de cette crise, les élèves sont démotivés, déstabilisés et n’ont plus envie d’étudier puisque l’idée de l’année blanche les hante alors qu’ils n’en mesurent pas les conséquences. Et le pire, c’est que beaucoup croient que c’est un passage automatique de classes et ignorent qu’ils reprendront tous l’année”, s’indigne un enseignant.
“Dans notre collège, nous avons presque tous assuré les cours et les examens du premier trimestre et nous avons déjà commencé le passage des devoirs de contrôle du deuxième trimestre tel que prévu dans le calendrier scolaire fixé depuis le début de l’année, mais nous regrettons que nos élèves n’aient pas reçu leurs bulletins de note”, s’est exprimée avec beaucoup d’amertume une enseignante.
“Nous avons tout fait pour éloigner nos élèves de ces tiraillements mais malheureusement les choses ne font qu’empirer puisque le ministère de l’Education n’a rien fait pour résoudre cette crise et la Fédération ne veut pas nous lâcher et nous met les bâtons dans les roues”, a ajouté un enseignant.
Par ailleurs, le lancement récemment par le ministère de l’Education d’une plateforme numérique pour aider les enseignants qui n’adhèrent pas au boycott des examens à mettre en ligne leurs notes semble, elle aussi, être inefficace. Certains enseignants ont souligné que cette plateforme n’est pas actualisée et n’est pas fonctionnelle comme il le faut.
“Depuis le jour de son lancement, je n’arrive pas à y accéder. J’ai contacté la direction régionale de l’éducation dont je relève et je n’arrive toujours pas à y accéder car on me répond que mes données personnelles ne sont pas actualisées par le Centre national de technologie de l’éducation. Et j’attends toujours”, a déploré un enseignant faisant remarquer qu’il avait pourtant remis ses notes à l’administration de son lycée dans les délais.
Elèves et parents indignés
De leur côté, et en réaction à la décision de la Fédération générale de l’enseignement secondaire, les élèves ont décidé d’observer eux aussi des mouvements de protestation et de ne plus assister aux cours dans beaucoup de lycées secondaires et collèges pour revendiquer leur droit à des bulletins de note et au passage des examens dans de bonnes conditions.
Résultat : les cours ont été suspendus dans plusieurs établissements secondaires.
A titre d’exemple, au lycée pilote Bourguiba à Tunis, les cours sont suspendus depuis plus de trois semaines à tous les niveaux sauf le baccalauréat, nous a assuré une parente d’élève en 2ème année secondaire.
Dans d’autres lycées pilotes du pays, les cours sont aussi suspendus depuis au moins une semaine à tous les niveaux à l’exception du baccalauréat.
L’indignation des parents des élèves des lycées secondaires pilotes est en effet doublée puisque leurs enfants ont été admis avec brio dans des concours nationaux et sont aujourd’hui sur la voie de l’excellence. “Toutefois, la crise entre la Fédération générale de l’enseignement secondaire et le ministère de tutelle menace leur avenir et viole leur droit à une année scolaire stable”, a souligné une parente.
“Est-il normal que je fasse sortir ma fille du lycée pilote au beau milieu de l’année scolaire pour la faire inscrire dans un établissement privé dont j’ignore les résultats ? C’est dramatique ce que nous vivons, jamais on n’aurait pas imaginé en arriver là”, se lamente-t-elle.
En effet, après un passage automatique de classes au niveau du primaire décidé par l’ancien ministre de l’Education, Néji Jalloul, en 2015 suite à l’échec des négociations avec le syndicat de l’enseignement de base, aujourd’hui, les élèves et les parents craignent une année blanche au niveau du secondaire.
Pour sauver cette année scolaire, les parents ont décidé, eux aussi, de faire parvenir leurs voix et de défendre les droits de leurs enfants en observant le 1er février prochain un deuxième sit-in devant le Théâtre municipal de Tunis après le sit-in organisé la semaine écoulée où ils ont levé des slogans contre la Fédération de l’enseignement secondaire et son secrétaire général, Lassad Yacoubi, l’accusant d’être derrière cette crise.
“La Fédération de l’enseignement secondaire prétend défendre l’établissement public alors que par son entêtement elle pousse les élèves à migrer vers le privé”, s’est exprimé un parent faisant remarquer que cette alternative n’est possible que pour certaines personnes qui ont les moyens.
Les journées non travaillées et le travail non accompli ne seront pas rémunérés
En se référant à la loi, le secrétaire général du ministère de l’Education, Noureddine Ben Rejeb, a souligné mercredi dans une déclaration à l’agence TAP que les journées non travaillées et sans absence justifiée ainsi que le travail non accompli ne seront pas rémunérés.
Le responsable a tenu à préciser que les retranchements des salaires des enseignants ne seront effectués qu’après plusieurs vérifications.
“Nous ne voulons en aucun cas priver les enseignants de leurs salaires, nous savons qu’ils ont des engagements bancaires, et c’est pour cette raison que nous ferons tout pour bien vérifier toutes les données avant de déduire n’importe quel montant”, a-t-il assuré.
Il a, en outre, souligné que le ministère œuvrera à simplifier toutes les procédures d’accès à la nouvelle plateforme dédiée, dans un premier temps aux enseignants, afin qu’ils puissent mettre en ligne les résultats de leurs élèves.
De son côté, le ministre de l’Education s’est engagé à trouver une solution à la crise et à éloigner le spectre de l’année blanche par tous les moyens, appelant les élèves à reprendre les cours et à se préparer aux devoirs et aux concours nationaux.
A noter qu’une réunion de négociation s’est tenue lundi 28 janvier entre le ministère de l’Education et la Fédération générale de l’enseignement secondaire et s’est soldée par un échec. La partie syndicale a décidé de poursuivre le boycott des examens tout en se déclarant ouverte à des négociations sérieuses qui répondent aux aspirations de ses adhérents.
Etant un sujet d’actualité, la crise du secondaire est l’une des questions qui seront examinées ce mercredi lors d’un conseil ministériel.
En attendant d’arriver à un consensus, les cours sont encore suspendus dans bien d’établissements et les jeunes sont livrés à leur sort.