Une banque alimentaire a été créée, depuis 2011, à La Marsa (banlieue nord de Tunis), selon le réseau régional des banques alimentaires, basé à la Cité humanitaire internationale à Dubaï.
Mais, la plupart des Tunisiens ignorent son existence, puisqu’elle n’est pas active dans le cadre d’un réseau de coopération avec des organisations de la société civile, à l’instar des banques alimentaires dans toutes les régions du monde, mais fonctionne plutôt comme une simple association caritative.
Les “banques alimentaires” ou “Food Banks” collectent, gèrent et partagent des denrées alimentaires fournies par des bénévoles (agriculteurs, industriels, commerçants, grandes surfaces, hôtels, restaurants..). Elles sont des associations a but non lucratif qui mettent, gratuitement, des aliments à la disposition des plus démunis.
Selon un responsable de l’Institut national de la consommation, la banque alimentaire tunisienne fonctionne comme une association caritative qui distribue, occasionnellement, des aides aux plus démunis.
“Cette institution ne pourrait pas fonctionner comme la banque alimentaire égyptienne, par exemple, faute de lois et en raison de la réticence des entreprises et des privés (grandes surfaces, hommes d’affaires, hôtels, restaurants…), a assurer un approvisionnement constant en denrées qui constituent en fait, le capital d’une banque alimentaire”, souligne-t-il.
La banque égyptienne, soutenue par les entreprises, les chaînes hôtelières, les restaurants et les agriculteurs, est devenue une industrie à part entière. Elle représente une chaîne de valeur qui lutte contre la pauvreté et la famine, avait indiqué son président, Moez Chahdi, lors d’un récent passage à Tunis.
En Egypte, des hôtels sont allés jusqu’à imposer des taxes de 50% sur la facture des clients qui laissent des restes de nourriture après leurs repas.
D’après le responsable de l’INC, ce qui bloque le développement de la banque alimentaire tunisienne est l’absence d’une loi qui régit ce genre d’activité, tel le cas en Italie ou en France où l’exemple des “Restos du cœur” est très connu.
Les grandes surfaces commerciales en Tunisie craignent, selon lui, des atteintes à leur réputation, en cas d’intoxication des bénéficiaires, par des denrées alimentaires qu’elles délivrent aux associations, lorsque leur date de péremption est proche.
Préalablement à la naissance d’une banques alimentaire en Tunisie, “il faut recruter des nutritionnistes et des contrôleurs économiques et encourager les grandes surfaces à coopérer pour lancer des activités organisées d’approvisionnement et de valorisation des denrées avant les dates d’expiration”, souligne t-il.
Le gaspillage alimentaire, un “réel problème” en Tunisie
La Tunisie gagnerait à développer l’idée de la banque alimentaire pour lutter contre le gaspillage des aliments, encourager l’économie verte et circulaire et créer des emplois.
Dans un rapport du Forum économique de Davos et de la Fondation Ellen Macarthur, l’économie circulaire va apporter des recettes d’une valeur de 1 trillion de dollars à l’horizon 2025 et pourrait créer 100 mille nouveaux emplois dans les prochaines 5 ans.
Selon la FAO, le gaspillage alimentaire est un “réel problème” en Tunisie. Il faut lutter contre ce problème à travers le développement des activités de recyclage et de valorisation des déchets organiques, en particulier, qui représentent 78% des déchets en Tunisie. Seulement 5% de ces déchets sont recyclés.
Alors qu’environ 600 mille tunisiens se trouvent en situation de sous-alimentation, soit 4,9% de la population, chaque famille tunisienne jette dans les poubelles, chaque mois, des aliments (pains, pâtes..), d’une valeur de 17 dinars, selon l’INC.
Les Tunisiens jettent dans les poubelles près de 680 mille quintaux de pain chaque année, soit l’équivalent de 100 millions de dinars (équivalent à 33 millions de dollars américains).
Le pain est le produit alimentaire, le plus consommé dans le pays. Il est subventionné par le budget de l’Etat, sachant que le coût de subvention des produits de base (céréales et autres) a dépassé la barre de 2 milliards de dinars en 2018.
Gaspillage de l’alimentation et changement climatique
Pour la FAO, “s’il était intégré dans une classification des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre, le gaspillage alimentaire apparaîtrait comme le troisième plus important émetteur, juste après les Etats Unis et la Chine”.
D’après son rapport “Empreintes du gaspillage alimentaire”, plus d’un tiers des aliments produits aujourd’hui ne sont pas consommés, ce qui correspond environ à 1,3 milliard de tonnes par an.
Les banques alimentaires pourraient être ainsi, une solution pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à travers la valorisation de la nourriture avant de la gaspiller et le développement du concept de l’économie circulaire et durable.
En effet, les banques alimentaires se trouvent désormais dans plusieurs pays du monde, depuis la première banque, créée, en 1967 aux Etats Unis, à Phénix en Arizona.
Le réseau des banques alimentaires a été développé ensuite, pour adhérer aux objectifs de l’ONU concernant la lutte contre la pauvreté et la faim dans le monde.
Par ailleurs, le réseau régional des banques alimentaires, basé à Dubaï aux Emirats arabes Unis envisage d’assister la création, bientôt, de 6 nouvelles banques alimentaires dans six pays: Libye, Maroc, Tchad, Mali, Djibouti et Guinée.