L’effet d’appel des régions à l’adresse des investisseurs est modeste. Comment, dès lors, rectifier le tir ? L’IACE a présenté une feuille de route. Son exploration est instructive.
Jeudi 7 courant, l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE) publiait la 4ème édition du rapport d’attractivité régionale relatif à l’année 2018. Ce rapport prend le pouls du pays. Il aboutit au calcul d’un indice général synthétisant les opinions d’un échantillon de chefs d’entreprise sur tout le territoire national.
Pour faire court, on dira qu’il renseigne sur le climat des affaires qui prévaut dans les 24 gouvernorats de la République. La nouveauté, cette année est que l’IACE a aligné sa méthodologie sur le standard du rapport de Davos sur la compétitivité. L’intérêt est qu’il s’agit d’un standard universel. Ce qui autorise une comparabilité avec des sites compétiteurs de la Tunisie.
Qu’est-ce qu’on retient de cette enquête ? Hélas, il ressort l’aspect d’immobilisme car les scores et le classement ont peu changé.
Que nous apporte le rapport comme pistes d’avenir ? Il point par les chiffres les aspects à améliorer pour redresser l’attractivité des régions à l’adresse des investisseurs y compris les locaux.
Les améliorations méthodologiques de l’indice
Rappelons que le rapport de 2018 est le premier qui intervient après les élections municipales du mois de mai 2018. On ne peut donc y déceler la contribution des pouvoirs locaux, encore fraîchement établis. Tous les résultats sont par conséquent imputables à l’administration centrale.
Sur un autre plan, il faut reconnaître que la migration vers le standard de Davos donne un éclairage instructif sur l’état des lieux.
Nous reproduisons dans le tableau qui suit les améliorations introduites au rapport en 2018.
Nous relevons que les institutions constituent le premier pilier. C’est bien naturel, à présent que les conseils municipaux fraîchement élus ont siégé et que se profile l’identité et les prérogatives des pouvoirs locaux. La gouvernance locale pèsera lourd sur le devenir des régions.
Nous observons, pour notre part, que les 2 nouveaux leviers qui introduisent une rupture par rapport au passé sont ceux relatifs aux IT et à l’innovation. En effet, ce sont deux éléments au diapason de la nouvelle économie et il faut reconnaître qu’ils font la différence.
Rappelons que tous les piliers sont approchés par deux aspects. Le premier, quantitatif, est établi à partir des données collectées par l’IACE. Ces données proviennent de chefs d’entreprise d’un échantillon d’entreprises employant 20 personnes et plus. Cet échantillon est suffisamment représentatif du tissu économique national.
L’autre, qualitatif, reprend des informations publiées par l’INS.
Indice général : La mauvaise surprise
Le rapport fait ressortir un résultat navrant. En dehors de Tunis, qui maintient à peine la tête hors de l’eau, avec un maigre 5,1, les 23 autres gouvernorats ont moins de 5, c’est-à-dire sont en dessous de la moyenne.
Rappelons que l’indice est associé à une échelle qui va de 0 à 10, palier supérieur qui indique la proximité d’un gouvernorat par rapport à l’état idéal, dit ”frontière de la compétitivité”.
On peut comprendre que nos régions souffrent de carence pour le pilier innovation. On peut admettre qu’en matière d’infrastructure le gouvernorat de Kébili soit moins nanti. Mais que l’on accuse un retard aussi flagrant pour le pilier “inclusion financière“ dans la majorité des régions, cela passe mal.
En réalité, ce pilier mesure l’implantation des DAB, le nombre d’agences bancaires, de bureaux de postes ainsi que de la présence sur terrain des associations de microcrédits. On sait que l’essaimage de ce genre d’agents de prise en main du financement des opérateurs est impératif et qu’on ne saurait invoquer le motif de rentabilité pour ce genre d’éléments au vu de l’importance de leur retombée sur l’économie des régions.
On peut voir dans le tableau suivant comment cet état de fait plombe l’essor des régions.
Le deuxième trait est la lente évolution des régions. La physionomie de la carte économique du pays est restée quasiment figée.
Quels leviers pour redresser l’attractivité des régions ?
Au vu du classement général, on a le sentiment d’être en face d’une classe de compétiteurs, ont souligné les responsables de l’IACE, où il n’existe pas de région locomotive.
Rappelons que le score national est 3,8, c’est consternant. On en est à un palier où les régions ne séduisent même pas les investisseurs locaux. Naturellement cela vient de la conjonction de nombreuses défaillances. La première d’entre toutes est l’absence d’un plan rigoureux d’aménagement du territoire. Dans les années 60, Ahmed Ben Salah, super ministre de l’Economie, assurait la fonction de maîtrise d’œuvre. Et malgré les tares du collectivisme, le système a fonctionné. La problématique du développement régional a fini par s’incruster dans la planification nationale.
Plus tard Hédi Nouira, Premier ministre, veillait au grain. Et, depuis plus rien ou presque. Sous Ben Ali, l’accord de libre-échange avec l’UE a réglé la question favorisant le littoral sur les régions de l’intérieur, arbitrage dont s’accommode le secteur exportateur. Et cette tendance n’a pas été contestée.
A l’IACE on s’interroge sur les raisons du transfert inopportun des ressources des régions de l’intérieur en direction du littoral. La transformation du phosphate de Gafsa à Gabès interpelle d’une certaine façon. Pareil pour le marbre de Thala prélevé sur site et traité ailleurs.
Naturellement cela démunit les régions de l’intérieur et les prive de possibilité de rebondissement économique.
Sur quels leviers agir, pour redresser l’attractivité des régions ? Le rapport aura eu le mérite de remuer les statistiques dans les plaies révélées par les neuf piliers.
Voilà, avec ce rapport on dispose d’une feuille de route toute prête.
A bon entendeur…