Le paradoxe tunisien. On a entendu crier partout en Tunisie, depuis la révolution de 2011, pour réclamer l’indépendance de la Banque centrale. Mais seulement voilà, celle-ci vient de prendre une décision “souveraine” en augmentant son taux directeur afin de “lutter contre l’inflation”; décision très contestée par les organisations sociales et autres partis politiques.
En effet, dans une déclaration, le Front populaire appelle à la suspension de cette mesure qui a “vidé de tout sens les récentes majorations salariales” et qui “aura des conséquences sur le pouvoir d’achat de la majorité du peuple ainsi que sur les entreprises économiques et les investissements”.
L’argument de la BCT selon lequel cette augmentation vise à juguler l’inflation ne prend pas en considération les véritables facteurs dont le déficit de la balance commerciale, l’inflation importée, la baisse de la production et la faiblesse de la productivité, estime le parti.
Selon lui, il faut réviser le statut de la BCT en particulier en ce qui concerne son indépendance. Tiens!
Pour sa part, le parti Al-Irada affirme “rejeter catégoriquement l’orientation prise par la BCT”, mettant en garde contre “ses résultats catastrophiques” en termes de “repli de l’investissement, de la production et de la consommation et de la hausse de l’endettement et du chômage; outre la baisse des recettes fiscales de l’Etat”.
Selon Al-Irada, l’important est “d’adopter une politique économique équilibrée garantissant le minimum nécessaire pour une vie digne et préservant l’Etat des diktats des institutions financières internationales”.
Le Parti des patriotes démocrates unifié (Ppdu) abonde dans le même sens et estime que cette mesure s’inscrit dans le cadre de “l’exécution des exigences imposées par le Fonds monétaire international qui justifie, à tort, l’augmentation du taux d’intérêt directeur comme solution pour lutter contre l’inflation”.
Selon le Ppdu, l’augmentation du taux d’intérêt directeur freine l’investissement privé et alourdit les charges des Tunisiens à travers l’augmentation du coût des crédits consommation et logement.
Ce qui est archi-faux!
Le parti exhorte les forces vives et les organisations professionnelles et sociales à lutter contre cette politique et à se mobiliser pour exiger la révision de la loi consacrant l’indépendance de la BCT.
Il s’agit également, selon le Ppdu, de barrer la route à toute tentative d’instrumentaliser cet établissement au service du lobby bancaire et aux dépens d’une large catégorie populaire et des investisseurs.
Idem pour le mouvement Echaab qui dit refuser cette mesure laquelle aura “des grandes conséquences sur les classes moyennes et les salariés ainsi que sur leur pouvoir d’achat et sur les investissements”.
Le mouvement appelle la BCT à revoir cette décision dans l’intérêt de l’économie tunisienne qui a “souffert de l’échec des gouvernements successifs et des institutions concernées par ce dossier”.
Rappelons que le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a décidé jeudi de tenir une séance plénière lundi 25 février consacrée au dialogue avec le gouverneur de la BCT.
Le conseil d’administration de la BCT a décidé mardi dernier l’augmentation du taux d’intérêt directeur de 100 points, passant de 6.75 à 7.75%.