Si les observateurs de la scène tunisienne s’amusaient à chercher de près les raisons profondes de la précarité multiforme à laquelle est confrontée l’écrasante majorité des Tunisiens, ils ne seraient pas surpris de découvrir que le déficit des échanges extérieurs est l’une des principales causes à l’origine du mal-vivre qui prévaut dans le pays.
Ils se rendraient, particulièrement, compte que tous les contrats et accords de libre-échange avec l’extérieur ont été négociés et conclus par des négociateurs tunisiens incompétents et apatrides. Au regard de l’ampleur des dégâts occasionnés et des frustrations générées, ils peuvent être qualifiés à la limite de «traîtres».
Ces accords, qui prônent l’ouverture sur le monde, ont été ficelés sans aucune concertation, presqu’en catimini. La règle tend jusqu’au janvier 2011 «Taisez-vous, on négocie pour vous». Ils ont été conclus sans donner à l’économie du pays et à ses filières le temps matériel requis aux fins de se préparer, de se restructurer, d’initier les réformes requises et de se prémunir contre le dumping social, les subventions à l’export et la concurrence déloyale.
Cinq accords multilatéraux, régionaux et bilatéraux méritent qu’on s’y attarde en raison de la gravité des dommages structurels qu’ils ont occasionnés à l’économie du pays.
La Tunisie blacklistée “paradis fiscal“ à cause de la loi 72
Le premier accord concerne la loi 1972 sur l’offshore. Instaurée il y a 47 ans, cette loi controversée permet surtout aux industries exportatrices de bénéficier de certains avantages fiscaux et financiers, et, surtout, de rapatrier les bénéfices de leurs exportations en devises dans leur pays d’origine.
Cette loi a valu, en décembre 2017, à la Tunisie d’être inscrite sur la liste des “pays paradis fiscaux“ et sur celle des “juridictions exposées au terrorisme et au blanchiment d’argent“.
Un demi-siècle après sa promulgation, cette loi n’a pas aidé l’industrie tunisienne à monter en valeur. L’industrie tunisienne est toujours une industrie de bout de chaîne, sous-développée et peu intégrée.
Dans une note d’analyse intitulée “Loi 72: une perte colossale en devises”, l’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) estime que «la Tunisie a perdu, en cumulé, 43 milliards de dinars en équivalent de devises étrangères, sur la période 2006-2016, du fait du régime d’exception octroyé aux entreprises non résidentes dans le cadre de la loi 72».
L’OTE ajoute que «si la Tunisie n’avait pas octroyé ce privilège, elle n’aurait pas eu besoin d’avoir recours aux emprunts extérieurs et aurait un surplus de 16 milliards de dinars en équivalent de devises étrangères».
L’adhésion à l’OMC a eu lieu sans aucune préparation
Le deuxième accord de libre-échange a été l’adhésion, en 1995, de la Tunisie à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette organisation, qui vient consacrer la globalisation de l’économie, a pour but principal de favoriser l’ouverture commerciale.
Sa mission consiste à réduire les obstacles au libre-échange, d’aider les gouvernements à régler leurs différends commerciaux et d’assister les exportateurs, les importateurs et les producteurs de marchandises et de services dans leurs activités.
Conséquence de cette adhésion : le marché tunisien a été inondé par des produits de tout pays, particulièrement de Chine, de Russie et de Turquie.
D’après des indications fournies, début janvier 2019, par l’Institut national de la statistique (INS), un déficit commercial record estimé à 19,04 milliards de dinars a été enregistré, fin 2018, ce qui correspond à une hausse de 132% par rapport à 2010, année où il n’était que de 8,2 milliards de dinars.
La croissance du déficit commercial est de 22% par rapport à 2017 (15,59 milliards de dinars), et de 51% par rapport à 2016 (12,6 milliards de dinars), selon les mêmes statistiques, publiées jeudi 21 février par l’INS.
L’INS explique ce déficit certes par le creusement du déficit de la balance énergétique (6,1 milliards de dinars), mais surtout par un déséquilibre des échanges enregistrés avec la Chine (un déficit de 5,4 milliards de dinars, soit plus de 28% du total du déficit du pays), l’Italie (-2,9 milliards de dinars), la Turquie (-2,3 milliards de dinars), l’Algérie (-1,4 milliard de dinars) et la Russie (-1,3 milliard de dinars).
Suivra partie 2..
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