Dans la première partie de ce dossier, nous avons montré que la crise multiforme dans laquelle se débat la Tunisie est due, en grande partie, à l’incompétence des négociateurs tunisiens.
D’importants accords stratégiques ont été conclus, à la hâte, sans tenir compte de l’intérêt du pays. Ils ont été même ficelés dans l’intérêt des étrangers. L’accent a été mis dans le précédent article sur les dommages générés par la loi 1972 sur l’Offshore et l’adhésion, sans aucune préparation, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Dans cette deuxième partie, l’intérêt sera porté sur le manque à gagner occasionné à la Tunisie et la conclusion d’un accord asymétrique avec l’Union européenne (UE) et la mauvaise négociation de l’Accord multifibre sur le textile.
L’Accord avec l’UE, un accord asymétrique
Le troisième accord controversé a été l’Accord d’association avec l’Union européenne, en 1995. Cet Accord, entré en vigueur le 1er mars 1998, établit, à terme, une zone de libre-échange (ZLE) entre les deux parties. Outre la libre circulation des marchandises, il contient des dispositions en matière de paiements, capitaux, concurrence et autres dispositions économiques.
En dépit de programmes d’accompagnement, en l’occurrence le Programme de mise à niveau (PMN), dans un premier temps, et celui de la modernisation industrielle dans un second temps.
Concrètement, il consacre, à partir de 2008, le libre-échange des produits manufacturés entre l’UE et la Tunisie. L’asymétrie entre les deux marchés est telle qu’elle s’est traduite par un manque à gagner pour la Tunisie de deux points de croissance (-2%).
Les pays membres de l’Union européenne ont inondé le marché tunisien par des produits de consommation superflus alors que la Tunisie ne pouvait exporter sur ce marché que des produits agricoles de qualité certes mais de faible valeur ajoutée (huile d’olive en vrac, dattes, fruits de mer…).
Pis, cet accord garantit la liberté de circulation des biens et services mais pas celle des hommes, ce qui a entravé la mobilité des Tunisiens qui veulent conclure des affaires en Europe et chercher un emploi dans ce continent où il existe pourtant une offre de 2 millions d’emplois.
Moralité de l’histoire : l’Accord cherchait à nous vendre davantage de produits européens qu’à accompagner la Tunisie dans son processus de développement et à disposer de sa propre industrie.
Selon nos informations, l’évaluation de cet accord exigée par la société civile avant la conclusion de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) est fin prête. Les artificiers du ministère du Commerce s’emploient, actuellement, à la présenter sous une forme «Light» et à en extraire les éléments les plus compromettants. Ceux là-mêmes qui peuvent compromettre les fonctionnaires et la mafia polito-financière qui ont négocié au temps de Ben Ali cet accord et dissuader l’établissement d’un nouvel accord de libre-échange plus approfondi.
Avec l’Accord multifibre de 2008, la Tunisie a perdu 160.000 emplois
Le quatrième accord de libre-échange n’est autre que l’accord multifibre sur le textile. Les mauvaises conséquences de cet accord, négocié par des fonctionnaires incompétents, ont été catastrophiques pour la Tunisie.
La Tunisie a perdu après la conclusion de cet accord son ancien positionnement (5ème) pour devenir actuellement le 9ème fournisseur de l’UE.
A l’origine, la concurrence déloyale que lui livrent les pays asiatiques avec la complicité des «Européens et des négociateurs tunisiens incompétents».
Pour saisir le manque à gagner pour la filière textile tunisienne, tout rang perdu sur le marché européen équivaut à la perte de 40.000 emplois en Tunisie.
Conséquence : par l’effet de la mauvaise négociation de cet accord, la Tunisie a perdu 160.000 emplois et le Tunisien est toujours mal habillé.
Pour mémoire, la plupart des concurrents directs de la Tunisie bénéficient de régimes douaniers plus avantageux avec l’Union européenne. C’est notamment le cas du Bangladesh et du Cambodge… qui sont maintenant devant la Tunisie comme fournisseurs de l’Europe grâce à un régime nommé «Tout Sauf les Armes» leur permettant d’exporter à droits nuls vers l’UE les vêtements qu’ils fabriquent, quelle que soit l’origine des tissus utilisés.
A l’inverse, la Tunisie doit utiliser des tissus de l’espace euro-méditerranéen, en moyenne deux fois plus chers, pour bénéficier des droits nuls.
Conséquence : elle n’est plus aussi compétitive que ses concurrents. C’est ce qui explique sa tendance à perdre des niches sur le marché européen.
Pourtant, l’Union européenne, par la voix de son actuel ambassadeur en Tunisie, Patrice Bergamini, a fait état de la disposition de l’UE à étudier le dossier et à y remédier. La question a été évoquée, également, lors de la treizième session du Conseil d’Association entre l’Union européenne et la Tunisie, tenue le 11 mai 2017, à Bruxelles.
Suivra parti 3…
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