Dans les deux précédents articles, nous avons essayé de montré que la crise multiforme dans laquelle se débat la Tunisie est due, en grande partie, à l’incompétence des négociateurs tunisiens…
Dans ce troisième et dernier article, nous traiterons des pertes subies par la Tunisie en raison du chantage que lui font des investisseurs émiratis avant d’honorer leurs engagements et faire redémarrer des mégaprojets touristico-immobiliers d’un coût global de 30 milliards de dollars. Ces projets sont en stand-by, depuis 2007.
Le cinquième dossier porte sur le retard qu’accusent de lourds investissements émiratis dans des mégaprojets touristico-immobiliers (Sama Dubaï, Boukhatar…). Ces groupes expliquent les raisons de la suspension et du retard enregistré dans la réalisation des projets par les effets de la crise financière de 2008, la non-bancabilité des projets touristico-immobiliers à l’international, mévente générale, baisse des prix de l’immobilier…).
Néanmoins, ces groups font état de leur disposition à poursuivre le projet à la condition de réviser la convention et d’y introduire de nouveaux éléments.
C’est le cas du projet de «La Porte de la Méditerranée», projet d’une ville d’au moins 250.000 habitants que le groupe émirati Sama Dubaï s’était engagé à édifier, depuis 2007, au lac sud de Tunis, voire à l’entrée sud de Tunis sur un joyau foncier de 1.000 ha cédés au dinar symbolique, moyennant un investissement à terme de 25 milliards de dollars (à l’époque), hélas, toujours en stand-by.
Empressons-nous de signaler que cette situation de stand-by est défavorable à l’Etat tunisien. Ce dernier a dépensé plus de 120 millions de dinars pour le nettoyage et l’assainissement du lac sud. Il continue à supporter le coût de l’entretien de la qualité des eaux, des travaux de protection et de sauvegarde du site…
Manque de volonté politique…
Pour mémoire, le projet de la Ville du siècle (autre appellation du projet) a fait l’objet d’une convention conclue entre le gouvernement tunisien et le groupe émirati Sama Dubaï, le 27 avril 2007.
Ce projet, nous le disions en haut, n’a pas connu, hélas, une avancée significative. La mise en œuvre de la convention a été suspendue, en 2008, en raison de la crise financière internationale qui avait touché, au cours de cette année-là, spécialement les investisseurs du secteur immobilier du monde entier, particulièrement Sama Dubaï.
Les Marocains, qui ont connu le même scénario avec leur projet dans la vallée du Bouregreg à Rabat, ont vite exproprié le terrain vendu au holding Sama Dubaï et opté pour un autre investisseur.
En Tunisie, fort heureusement le terrain n’est pas encore cédé à l’investisseur, mais nos décideurs hésitent entre la tentation de résilier unilatéralement la convention et la solution diplomatique, voire un arrangement à l’amiable avec l’investisseur émirati.
A titre indicatif, le gouvernement tunisien n’a pas le droit de prendre des décisions sur les terres domaniales qui entourent le site (127 hectares).
En cause, le contrat est rédigé de telle sorte que même au cas du recours à un arbitrage international, la Tunisie risque de sortir perdante. Là aussi les négociateurs qui avaient conclu ce contrat étaient mal intentionnés et étaient plus du côté de l’investisseur émirati que du côté de la Tunisie.
En dépit de la complexité de cette situation et en attendant une solution définitive qui risque de perdurer, des experts ont proposé deux pistes. La première porte sur la promotion d’une «Smart City» aux alentours et en harmonie avec le mégaprojet ; la deuxième consiste en la mise en exploitation du Port de plaisance de Tunis et la dotation de la capitale d’un très beau de plaisance.
Le chantage du magnat Boukhatar
Autre mégaprojet touristico-immobilier en stand-by, «Tunis sport city», cité sportive composée d’une zone urbaine destinée à accueillir 30 à 50.000 habitants et d’infrastructures sportives de grande facture que l’investisseur émirati Boukhater s’était engagé à réaliser, pour un montant de plus de 5 milliards de dollars, dans le cadre du projet d’animation de «Medinat El Bouheira» sur les berges du lac nord de Tunis.
Rappelons que l’investisseur avait refusé de reprendre les travaux entamés en 2008 parce qu’il voulait renégocier le Plan d’aménagement de la zone considérée (253 hectares).
Son projet est de transformer, entre autres, une partie du lot destiné à abriter la Cité sportive en composante urbaine en augmentant la part de cette dernière dans le projet de plus de 35%, alors que la Société de promotion du lac de Tunis (SPLT), qui lui a vendu le terrain au prix symbolique de 70 dinars le mètre carré (plus de 3.000 dinars actuellement), tient justement à la composante sportive car elle constitue un complément à haute valeur ajoutée pour son offre urbaine globale sur les berges nord du lac de Tunis.
Exaspérée d’attendre plus de dix ans, la SPLT, devenue, en plus de sa qualité de lotisseur, investisseur, aurait proposé à l’investisseur émirati de lui racheter le terrain depuis, paraît-il, 2012.
Par-delà ces exemples de l’incompétence manifeste des négociateurs qui ont discuté de ces accords et contrats, le plus important est de faire en sorte que cela ne se répète plus.
Malheureusement, avec les négociations en cours pour la conclusion de l’ALECA, il semble que les Tunisiens ne soient pas au bout de leurs peines. Car au nom de la légalité que leur confèrent les urnes, les gouvernants actuels sont en train de manœuvrer pour nous faire vivre de nouveaux accords de libre-échange asymétriques et déstructurants.
En principe, le pays ne peut s’engager dans un accord de libre-échange qu’à trois conditions. Primo, il doit disposer d’une agriculture capable d’assurer la sécurité alimentaire du pays, de transformer et de conditionner les produits locaux et de dégager de la valeur ajoutée.
Secundo, le pays doit disposer d’une industrie intégrée et compétitive capable de créer de la valeur ajoutée.
Tertio, le pays doit disposer, impérativement, d’un système éducatif de qualité à même de former des cadres et des entrepreneurs en mesure de lancer des projets de services compétitifs à l’international.
Sans la réunion de ces trois conditions, rien n’explique la conclusion d’un nouvel accord de libre-échange.
D’ailleurs, la tendance internationale est, aujourd’hui, à la remise en question de tels accords. Le cas des Etats-Unis de Donald Trump en est exemple édifiant.
A méditer.
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