Il y a 63 ans, le Premier ministre et président du Conseil tunisien, Tahar Ben Ammar, signait, à Paris, avec le ministre des Affaires étrangères, Christian Pineau, le protocole confirmant l’indépendance de la Tunisie. La proclamation a été officiellement faite le 20 mars 1956.

Depuis, d’importantes réformes ont été engagées, particulièrement dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’émancipation de la femme. Malheureusement, par l’effet de l’autoritarisme des dictateurs qui se sont relayés à la tête du pays, Bourguiba et Ben Ali, et par l’effet de la mauvaise gouvernance, ces réformes progressistes se sont très vite essoufflées.

Un bilan peu reluisant

Et pour cause. Le système éducatif tunisien va mal et même très mal. Imed Sediri, expert international en réforme du système éducatif, a surpris tous les Tunisiens en révélant sur les ondes de la radio privée Radio Med, que «60% de la population tunisienne est analphabète». Officiellement, le ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi, a évoqué un taux d’analphabétisme de 19%.

Néanmoins, la révélation d’Imed Sediri semble être plus exacte si on tient compte du décrochage scolaire. Quelque 120.000 abandonnent leur scolarité chaque année. Si on fait l’addition sur trois et quatre décennies, l’estimation de l’expert international est plus proche de la vérité.

Le secteur de la santé publique, gangrenée par la corruption, des décennies durant, est dans un piteux état. De nos jours, se soigner dans un hôpital public est devenu une aventure périlleuse. Pire, le pays connaît, depuis une année, la plus grave pénurie de médicaments, à cause de la corruption, de la mauvaise gestion et de la contrebande.

L’émancipation de la femme, une des fiertés de la Tunisie indépendante, est sérieusement menacée, aujourd’hui, par le péril des islamistes. Ces derniers ne pensent qu’asservir la femme.

L’économie du pays est au bord de la banqueroute. Le pays est surendetté. La vie est très chère. La classe moyenne, qui soutenait cette économie, est de nos jours appauvrie et marginalisée.

Des pistes à explorer et à méditer

Cela pour dire que le bilan est loin d’être positif et que le moment est venu pour stopper l’hémorragie.

La célébration du 63ème anniversaire de la proclamation de l’indépendance à sept mois des élections générales peut être une précieuse opportunité pour enclencher un débat sur les moyens de réinventer le pays sur de nouvelles bases.

Il s’agit surtout de rassembler les Tunisiens sur un socle de valeurs communes et sur les grandes questions et dossiers qui peuvent assurer au pays pérennité, solidarité et progrès économique. C’est au prix de tels consensus que les pays industrialisés ont connu stabilité et progrès.

Cinq options lourdes méritent, à notre avis, d’être valorisées et promues.

La première consiste à stabiliser définitivement le pays en professionnalisant l’armée et en la dotant des moyens requis pour défendre le pays. Au regard des menaces qui se profilent aux frontières du pays, il y a urgence à le faire.

La seconde a trait au besoin de réformer le système éducatif. Il n’y a que des avantages à en récolter. Car une des vertus de l’école, voire une de ses principales missions, consiste à résoudre, par anticipation, les problèmes de la société face auxquels les décideurs politiques se disent, généralement, impuissants. Il s’agit notamment de former de futurs travailleurs compétents et qualifiés et de les mettre au service des entreprises et des services publics.

La troisième orientation serait de séparer, légalement, la religion du politique et d’opter pour l’universalité fondée sur l’enseignement de «la condition humaine» et de «l’identité terrienne».

La quatrième tendance lourde serait de promouvoir de nouvelles stratégies économiques (nouveau modèle de développement). Celles-ci gagneraient à être axées sur l’économie solidaire et sociale en raison du coût peu élevé des emplois et sources de revenus qu’elle crée. L’accent doit être mis, également, sur la promotion de l’économie verte et la construction d’usines et de villes respectueuses de la nature et du bien-être de l’homme, partout où il se trouve.

Last and not least, la cinquième serait de profiter du progrès technologique et d’accélérer le développement de tous les secteurs en optant pour une numérisation et une digitalisation tous azimuts.

Ce sont là des options pragmatiques autour desquelles les Tunisiens, toutes catégories confondues, peuvent s’entendre et construire la troisième République.

A bon entendeur.

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