L’événement géostratégique régional a été créé, dans la soirée de mercredi 3 avril 2019, par l’offensive militaire lancée par le maréchal Khalifa Belqasim Haftar pour prendre le contrôle de la capitale, Tripoli où est basé le «Gouvernement d’union nationale» (GNA) de Fayez al-Sarraj. Cette nouvelle escalade de violence inquiète particulièrement le leadership actuel de la Tunisie.
Abstraction faite de la mobilisation des forces armées aux frontières avec la Libye, la question est de savoir pourquoi la Tunisie doit craindre cette offensive militaire, et surtout au cas où elle atteindrait son ultime objectif, c’est-à-dire la mainmise sur toute la Libye ?
Cette offensive fait peur par son timing. Elle intervient quatre jours après le 30ème sommet arabe dont le maréchal Haftar a été exclu, deux jours après la démission du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, et à quelques jours de la tenue d’une conférence “nationale” pour rétablir le dialogue et aboutir à une réconciliation nationale, doit se tenir du 14 au 16 avril à Ghadamès (centre du pays).
Impact : possible fermeture des frontières
Interpellé par les médias sur l’impact d’une éventuelle victoire totale de cette offensive, Rafaa Tabib, spécialiste du dossier libyen et expert à l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), a évoqué deux scénarios.
Dans tous les cas de figure, l’expert estime que la Tunisie va payer très cher pour ses positions antérieures en faveur de l’équipe qui gouverne la Tripolitaine, à savoir le gouvernement de Fayez Al-Sarraj, soutenu par le parti islamiste Fejr Libya et une multitude de milices de quartiers se réclamant du djihadisme islamiste (Daech, Al Qaïda…).
Le premier scénario serait la fermeture des frontières avec la Tunisie au niveau des deux postes frontaliers névralgiques tunisiens (Ras Jedir dans la région de Médenine et de Dhehiba dans celle de Tataouine.
Il a ajouté que, connaissant bien l’ANL du maréchal Haftar, cette dernière une fois sur le terrain va commencer par démanteler les réseaux de contrebande tunisiens qui opèrent avec les terroristes djihadistes sanctuarisés en Libye.
Il a fait remarquer que l’ANL l’avait déjà fait lors de sa conquête des frontières est et sud avec l’Egypte, le Niger et le Tchad. «Car, a-t-il-dit, l’idéologie de l’ANL ne se limite pas à unifier le pays mais surtout à préserver les richesses et ressources du pays et en faire bénéficier en priorité les Libyens».
Il s’agirait, d’après lui, d’une décision politique dans la mesure où la diplomatie tunisienne avait, depuis le déclenchement du conflit inter-libyen en 2014, misé sur le parti islamiste Fejr libyen. «Aujourd’hui, ce parti s’est disloqué et n’a plus de présence notoire dans la Tripolitaine», note l’expert.
Pour lui, le gouvernement tunisien doit faire preuve d’une grande imagination et réfléchir à des solutions alternatives à l’éventuelle mise en chômage des milliers des gens du sud qui vivent de la contrebande appelée chastement les “échanges commerciaux avec la Libye“.
S’adapter au nouveau contexte et manœuvrer
Le deuxième scénario consisterait à s’adapter au nouveau contexte, à retourner la veste s’il le faut et à voir comment composer avec le plus fort en Libye, en l’occurrence, ici, le maréchal Haftar.
C’est ce que semble avoir compris Mohsen Marzouk, secrétaire général du parti Machoura Tounès.
Il a soutenu, dimanche 7 avril sur sa page face book, la marche du maréchal Haftar sur Tripoli : «Nous pensons que l’intérêt de la Tunisie et de l’Afrique du nord en général converge avec les efforts déployés par l’Armée nationale libyenne pour lutter contre le terrorisme, l’extrémisme et la prolifération anarchique des armes», a-t-il dit.
Suivra …