2004-2015. Il a fallu 15 ans pour que le projet d’une loi organique du budget, réalisé avec la participation financière de l’Union européenne et accompagné par un cabinet d’expertise français, aboutisse. 15 ans coupés par un changement de régime et une transformation profonde de la société tunisienne qui exige aujourd’hui la redevabilité et estime être fin prête pour non seulement juger de l’efficience des services publics mais également y apporter sa contribution. Cette loi met à l’épreuve les performances de l’Etat en matière de gestion des finances publiques.
Une loi qui n’a pas été une réplique de la loi française, mais qui s’en est plutôt inspirée, précise Ridha Chalgoum, ministre des Finances, lors de l’ouverture du Forum qui lui a été consacré, lundi 8 avril 2019, en présence de Patrice Bergamini, ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie.
Ridha Chalgoum a rappelé que la Tunisie souffre non seulement d’un environnement instable à l’échelle régionale mais qu’elle-même est en pleine effervescence et à tous les niveaux, ce qui doit être pris en considération par les partenaires traditionnels de notre pays, notamment l’Union européenne.
Ceci ne diminue en rien l’importance de la loi organique du budget (GBO) qui entrera en vigueur en 2020 et dont on pourra cueillir les fruits à partir de 2022. Cette loi est une véritable révolution dans la gestion des Finances publiques. Désormais l’obligation de résultats est de mise et un suivi du budget de l’État, à l’instar de ce qui se fait en France, sera présentée par des grandes politiques publiques.
Ainsi, dans son article premier, il est dit que cette loi offre un cadre budgétaire à moyen terme qui permet de préparer le budget dans un horizon pluriannuel. C’est une approche programmatique où la loi fixe l’objectif de la performance et le cadre de la performance. Le budget de moyens adopté depuis l’indépendance de la Tunisie devient ainsi axé sur les résultats et la performance.
Un accent est mis sur plus de responsabilité et de liberté des gestionnaires lesquels doivent rendre des comptes sur la performance et améliorer l’efficacité des services rendus.
Ridha Chalgoum a déclaré à ce propos que «grâce à cette loi, le ministère des Finances gérera les finances publiques comme une entreprise».
La GBO œuvrera à améliorer l’efficacité de la dépense publique en orientant la gestion budgétaire vers l’atteinte de résultats cohérents avec les objectifs et ce dans le cadre de moyens prédéterminés, matérialisés par le budget de ce ministère.
Il est un fait reconnu de tous et partout dans le monde aujourd’hui, c’est l’importance de la pertinence de la gestion aux moindres coûts des finances publiques. «Dans tous les pays et surtout depuis la crise financière en 2008, il y a une obsession : la maîtrise des finances publiques, et la Tunisie, qui représente l’un des pays les plus soutenus par l’UE, en est concernée. Aucune transition politique ne peut réussir sans le succès de la transition économique», a certifié l’ambassadeur de l’UE lors du forum.
A travers le GBO, le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats conduit à la restructuration du budget en programmes traduisant les politiques publiques poursuivies : les missions et les objectifs assignés. Un budget de l’Etat mis à mal par les difficultés que traverse actuellement la Tunisie. «La stabilisation du cadre macroéconomique est nécessaire pour la soutenabilité de nos équilibres budgétaires. Il se trouve que le glissement du dinar et sa contribution à l’amplification du taux d’endettement sont de l’ordre de 9%», précise Ridha Chalgoum, qui déplore l’incapacité de notre pays à relancer comme il se doit les investissements publics. «Nous avons des difficultés à relancer le secteur public et nombre de projets d’infrastructures sont bloqués».
Ridha Chalgoum est lui obnubilé par la réduction du déficit budgétaire à l’origine de nombre de maux. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’application du GPO en Europe, soit un système fondé sur le principe de la bonne gouvernance permettant d’améliorer l’efficacité et l’efficience des programmes publics et garantissant la transparence des objectifs du budget de l’Etat et son équilibre.
En Europe et en Amérique, des règles ou des normes concernant les déficits, la dette et/ou les dépenses publiques ont été appliquées dans nombre de pays, dont le Canada, la Suisse et le Royaume-Uni. Les règles ont été un facteur important de l’assainissement budgétaire à la fin des années 90 et ont contribué à créer les marges de manœuvre nécessaires pour une réponse budgétaire flexible face au ralentissement de la croissance économique à l’époque.
Le GPO permettra d’améliorer le recouvrement des créances publiques et les procédures de paiement des dépenses de l’Etat ainsi que la tenue d’une comptabilité fiable et présentée dans les délais. Il garantit une bonne gestion de la trésorerie et des valeurs et améliore la qualité des prestations
L’UE a, pour précision, financé tout le process qui a conduit à la promulgation de cette loi. Cela fait 15 ans que de grandes compétences du ministère tunisien des Finances planchent sur la mise en place de cette loi soutenues par un cabinet français dont la Tunisie est le premier marché à l’international. Quoi de plus évident pour l’UE que de faire profiter ses nationaux des financements qu’elle accorde aux pays du Sud ? Ce qui fait, d’ailleurs, dire à certains experts que ce que l’Union européenne donne à certains projets par la main gauche, elle le reprend par la main droite.
Main qui donne, main qui dirige, dirait Patrice Lumumba. Cela entre dans la logique, dit-on ailleurs, du Win/Win.
Amel Belhadj Ali
*Voir document PDF du ministère des Finances.