Pluralisme syndical  : La lettre de la Confédération générale tunisienne du travail à l’exécutif

La Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) a adressé, le 4 mars 2019, une lettre au chef du gouvernement dans laquelle elle lui demande de donner des directives aux services de l’Etat en vue d’appliquer le jugement final prononcé le 5 février 2019 en sa faveur par le Tribunal administratif. 

En vertu de ce verdict qui reconnaît le pluralisme syndical en Tunisie, tous les syndicats libres et indépendants, légalement constitués, ont désormais le droit à la participation aux négociations sociales, au dialogue social à tous les niveaux sur la base de la représentativité proportionnelle et non restrictive.

Ils ont également le droit d’être membres du Conseil national du dialogue social ainsi que leur droit aux subventions et aux détachements.

La Confédération générale tunisienne du travail (CGTT) que préside Habib Guiza et qui était à l’origine de ce verdict, était la première à saluer, dans un communiqué, ce jugement définitif et historique.

«Le Bureau exécutif rappelle les luttes acharnées des militantes et militants de la CGTT depuis sa renaissance le 3 décembre 2006 à l’époque de la dictature qui ont rendu possible ce jugement historique», lit-on dans le communiqué.

En principe, suite à ce jugement, les autorités tunisiennes et les entreprises privées et publiques sont appelées à respecter le jugement du Tribunal administratif et à le mettre en œuvre.

C’est dans ce cadre que s’inscrit l’esprit de la lettre que la CGTT a adressée, un mois après le jugement du Tribunal administratif.

Dans cette lettre dont une copie est parvenue à Webmanagercenter.com, la CCGT demande au chef du gouvernement, non seulement de mettre fin à son exclusion du dialogue social et à sa marginalisation par le ministère des Affaires sociales, mais surtout de recouvrer ses droits et les avantages qui lui reviennent légalement, et ce depuis le 26 mars 2011.

En plus clair, la CGTT exige une réparation rétroactive du préjudice qui lui a été porté par l’effet du non respect du pluralisme syndical.

Parmi ces droits, figurent celui de récupérer les cotisations syndicales de ses adhérents prélevées par les entreprises et administrations où ils exercent, le détachement de ses cadres syndicaux et le bénéfice des subventions de l’Etat, conformément aux lois et procédures en vigueur.

En prévision de la promulgation de la loi sur la Cour constitutionnelle, la CCGT et les autres syndicats libres et indépendants ont toutes les chances de remporter cette bataille dans la mesure où la Constitution de 2014 reconnaît dans ses articles 35 et 36 le pluralisme syndical.

Parallèlement, le jugement du Tribunal administratif risque de ternir l’image du gouvernement Chahed auprès des organisations internationales du travail qui reconnaissent le pluralisme syndical et aux conventions desquelles la Tunisie a adhéré. 

A l’origine des dégâts 

Par ailleurs, le jugement du Tribunal administratif constitue un échec personnel de l’actuel ministre des Affaires sociales, Mohamed Trabelsi. Ce dernier a prouvé qu’il demeure un fervent partisan de la pensée unique d’antan et de ses corollaires, un parti unique, un syndicat unique, un patronat unique…

En témoigne la composition du récent Conseil national du dialogue social.  En dépit du nombre important de représentants au sein dudit conseil (105 membres), le ministre en a exclu les représentants de syndicats comme la CGTT, le Synagri et la Conect, favorisant une logique de représentation restrictive et excluante au détriment de la logique de la représentation proportionnelle. Il a ainsi limité la représentation des travailleurs à «35 membres représentants pour le gouvernement, 35 pour l’UGTT, 30 pour l’UTICA et 5 pour l’UTAP».

Cette composition est, de l’avis des observateurs, un déni des acquis de la révolution qui a consacré le pluralisme syndical et de la Constitution de 2014 qui l’a institué.

Lire aussi: Les prérogatives du Conseil national du dialogue social, selon Chahed

Le comble c’est que le Conseil national du dialogue social est, juridiquement, une structure de concertation et non de décision. Décryptage : ce ministre a privé les syndicats libres et indépendants d’être des forces de propositions et d’enrichir le débat social.