«La Tunisie est un pays où il fait bon vivre. Nos jeunes partent étudier à l’étranger et rentrent parce que nous avons le plus beau pays du monde».
C’est ainsi que s’est exprimé Youssef Chahed, chef du gouvernement, lors de la rencontre organisée mercredi 24 avril par Enactus Tunisie et la Konrad Adenauer Stiftung avec les équipes finalistes de la compétition Enactus.
Un face-à-face entre les étudiants représentant nombre d’universités et le chef du gouvernement qui a permis de lever le voile sur nombre de sujets préoccupant les jeunes universitaires. Soit l’opportunité d’exprimer franchement leurs postures et positions à propos de la stratégie jeunesse, de l’enseignement, de l’emploi, du climat politique, du climat social et entrepreneurial, de l’art et de la culture.
Youssef Chahed a déploré le pessimisme et le catastrophisme de la classe politique qui provoquent chez les jeunes désenchantement, frustration et désillusion. Il les a appelés à être plus présents dans la dynamique socio-économique et politique du pays.
absence d’opportunités de travail…
Les problématiques soulevées par les jeunes ont concerné l’absence d’opportunités de travail, les études à l’étranger et l’avenir des nouveaux diplômés dans un pays où la fonction publique est saturée et où le secteur privé est bloqué par des réglementations lourdes et un contexte économique délicat.
Le chef du gouvernement a précisé que le tiers des chômeurs, constitué des diplômés du supérieur, est confronté à la complexité d’un système qui fait que les cursus universitaires ne correspondent pas aux besoins du marché.
Réformer le système éducatif
« La Tunisie souffre d’un problème structurel en rapport avec le marché de l’emploi qui évolue beaucoup plus rapidement que l’évolution des formations que nous dispensons dans nos établissements scolaires et universitaires, une refonte du système de l’éducation et de la formation s’impose ».
Y.C a également exprimé ses regrets quant à l’incapacité de la Tunisie à réaliser une croissance à 2 chiffres alors qu’elle a tous les atouts pour le faire. « La croissance dans notre pays est bloquée parce que ses moteurs sont en panne. Il faut que le secteur touristique reprenne son envol, que la production industrielle redémarre et que l’exportation retrouve sa vitesse de croisière ».
Oser, oser et oser… entreprendre
Il a également insisté sur la nécessité pour les jeunes d’oser lancer leurs propres projets. « Nous sommes décidés à encourager toute initiative venant des jeunes pour se lancer dans l’entrepreneuriat. Nous avons mis en place une panoplie d’instruments en direction des demandeurs d’emploi. Parmi les niches qui représentent l’avenir de l’humanité, il y a l’économie sociale et solidaire que nos jeunes doivent envisager comme une opportunité importante. Par ailleurs, nous avons prévu un mécanisme pour soutenir les jeunes diplômés entrepreneurs dont une garantie de l’Etat pour leur offrir des marchés sur 3 ans ».
Les jeunes ont interpellé Youssef Chahed sur la culture et l’importance qu’elle revêt et qu’elle doit occuper dans les politiques gouvernementales, la décentralisation et l’immigration des cerveaux.
Décentralisation: patience!
Le passage à la décentralisation, a expliqué le chef du gouvernement, exige du temps et des collectivités locales responsables affranchies de la tutelle du centre, exigent des moyens humains et financiers conséquents. L’élection de conseils municipaux étant en elle-même une réalisation de taille, il faut donner du temps au temps pour que le processus aboutisse et que, proximité oblige, les collectivités locales deviennent réellement la voix des citoyens et veillent à satisfaire à leurs attentes.
35 000 événements culturelles…
Quant aux activités culturelles, le chef du gouvernement a précisé qu’en deux ans, elles ont dépassé le chiffre de 35 000 événements.
Par ailleurs, Youssef Chahed estime qu’il n’y a pas une hémorragie de cerveaux et qu’il est important que nous considérions le départ des jeunes sous d’autres cieux comme une opportunité plutôt que comme une perte.
« Je ne peux empêcher des jeunes de 25 ans de partir. Pour moi, acquérir de l’expérience et un savoir-faire ailleurs peut être utile à notre pays. Le transfert du savoir et du know how peut être un atout pour nous. Bien sûr, il faut être vigilants et éviter que ces départs ne dépassent le seuil raisonnable et ne deviennent un handicap pour notre pays. Les compétences tunisiennes sont sollicitées à l’international et c’est la preuve de la qualité des formations que nous dispensons dans certaines disciplines. Sur le digital nous sommes le deuxième pays africain à former des compétences ».
Youssef Chahed a exprimé ses regrets de voir à quel point les déclarations négatives émanant çà et là et des informations publiées à tort et à travers peuvent nuire à l’image de notre pays.
« Comment voulez-vous que les investisseurs viennent dans notre pays lorsqu’ils lisent et écoutent ce que nos compatriotes en disent ? Ce n’est pas en dénigrant systématiquement notre mère patrie que nous dépasserons ce cap difficile, d’autant plus qu’on ne parle pas des réussites et des avancées positives. La Tunisie a besoin de tous ses enfants et de vous jeunes générations en premier pour redorer son blason ».
Bel exercice que celui initié par le programme Enactus en ce mercredi 24 car nos jeunes ont besoin d’une oreille responsable qui les écoute, eux qui sont exaspérés de voir leur avenir se décider sans qu’ils aient voix au chapitre.
Pour Youssef Chahed, c’est un bain de jouvence que ces discours francs, sincères, spontanés et innocents qui le changent d’une classe politique qui ne cesse de se répéter et qui se plaît dans son populisme aveugle et ses propos sans profondeur.
Pareils débats devraient devenir une tradition.
Amel Belhadj Ali